Blanche de Castille – Régente, mère et reine du XIIIe siècle
- Ivy Cousin
- 21 avr.
- 47 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 mai


Résumé
Née en 1188, Blanche de Castille est d’abord une princesse espagnole, petite-fille d’Aliénor d’Aquitaine, avant de devenir l’une des figures les plus puissantes du royaume de France. Mariée au futur Louis VIII dans un contexte de paix fragile entre la France et l’Angleterre, elle s’impose très tôt comme une femme d’influence au sein de la cour capétienne. À la mort prématurée de son mari en 1226, elle devient régente pour leur fils Louis IX, âgé de seulement douze ans.
Dans un royaume encore secoué par les tensions féodales, Blanche gouverne avec fermeté et intelligence. Elle affronte les révoltes des grands barons, maîtrise les ambitions étrangères et parvient à pacifier le royaume grâce à un habile mélange de diplomatie, de rigueur militaire et de piété sincère. Le sacre immédiat de Louis à Reims, la répression des soulèvements, les traités conclus avec l’Angleterre et Toulouse, tout cela témoigne de sa capacité à maintenir la couronne sur la tête de son fils – et à renforcer l’unité du royaume.
Mais Blanche n’est pas qu’une souveraine politique. Elle est aussi une mère vigilante, exigeante, presque redoutable, qui inculque à son fils une foi ardente et une éthique rigoureuse. La tradition rapporte cette phrase : « Je préférerais te savoir mort que souillé d’un péché mortel », révélant l’intensité de sa vision morale.
Blanche meurt en 1252, après avoir assuré la régence une seconde fois, lors du départ en croisade de Louis IX. Elle laisse un royaume consolidé, un fils bientôt canonisé, et un modèle de régence féminine unique dans l’histoire de France. Son nom est gravé dans les vitraux, les manuscrits enluminés et la mémoire politique du royaume, comme celui d’une reine qui gouverna non par la force de son lignage, mais par celle de sa volonté.
Chapitre 01 – Origines, personnalité et enjeux d’une figure historique
Blanche de Castille naît en 1188 dans la ville espagnole de Palencia, au sein de la prestigieuse maison royale de Castille. Fille du roi Alphonse VIII et d’Éléonore d’Angleterre, elle est la petite-fille d’Aliénor d’Aquitaine et de Henri II Plantagenêt, deux figures majeures de la diplomatie et du pouvoir dans l’Europe médiévale. Son prénom, Blanca, porte déjà la marque de sa lignée royale, tandis que son éducation à la cour de Castille se déroule dans un univers imprégné de culture cléricale et de haute noblesse. Dès l’enfance, elle évolue au contact des clercs et des moines lettrés, ce qui laisse entrevoir les fondements de sa future piété, mais aussi de sa rigueur morale et intellectuelle. Son destin bascule définitivement au tournant du siècle, lorsque sa grand-mère, Aliénor d’Aquitaine, alors âgée d’environ 78 ans, entreprend en 1200 un dernier voyage diplomatique à travers les Pyrénées. Selon les Chronica Majora de Matthieu Paris, Aliénor traverse l’Aquitaine pour négocier personnellement le mariage de sa petite-fille avec le prince héritier de France, Louis, fils de Philippe Auguste. Cette union, conclue au terme de longues tractations, s’inscrit dans une stratégie de paix entre les Capétiens et les Plantagenêt, alors que les tensions entre l’Angleterre et la France atteignent un sommet.
Le mariage est célébré à Port-Mort, près de Vernon, en Normandie, le 23 mai 1200. Blanche, alors âgée de douze ans, quitte la Castille pour s’installer à la cour de France, où elle doit désormais composer avec un univers politique et culturel profondément différent. Elle apporte une dot importante, comprenant des terres situées dans le Berry, mais c’est surtout sa personne que le roi de France et son fils recherchent : une princesse capétienne par alliance, capable de renforcer l’autorité du pouvoir royal. La jeune Blanche s’adapte vite à son nouveau rôle. Elle apprend à parler le français avec aisance, se conforme aux usages de la cour et gagne peu à peu la confiance de son époux, Louis, futur roi sous le nom de Louis VIII. Les chroniques de Rigord et Guillaume le Breton notent qu’elle est très présente aux côtés de son mari dans les affaires de l’État, notamment durant les campagnes militaires contre les Anglais et les Albigeois.
Lorsqu’en novembre 1226 Louis VIII meurt prématurément à Montpensier, à l’âge de 39 ans, c’est dans son testament que l’on trouve la première reconnaissance officielle de la stature politique de Blanche. Le roi y désigne son épouse comme régente du royaume et tutrice de leurs enfants, au premier rang desquels Louis IX, âgé de douze ans. Cette décision n’est pas seulement le fruit de l’affection conjugale, mais le reflet d’une confiance politique mûrement pesée. Le choix de Blanche s’impose avec évidence tant elle a su démontrer, durant les années précédentes, sa capacité à gouverner. Elle est déjà mère de onze enfants, dont sept sont encore en vie au moment de la mort du roi. Elle les élève dans une discipline stricte, veillant personnellement à leur formation religieuse et morale. Joinville, biographe et compagnon du roi Louis IX, rapporte cette célèbre parole de la reine adressée à son fils : « Mon fils, j’aimerais mieux vous voir mort que coupable d’un seul péché mortel » (Vie de Saint Louis, éd. N. de Wailly, 1874, p. 10). Ce mot, qui paraît sévère aux sensibilités modernes, exprime pourtant la rigueur spirituelle qui façonne la conscience du futur roi et qui s’ancre profondément dans la vision chrétienne du pouvoir royal.
Cette éducation intransigeante est inséparable de la piété authentique de Blanche, qui passe pour l’une des reines les plus religieuses de son temps. Elle assiste quotidiennement à la messe, finance des fondations monastiques, et pratique de nombreuses œuvres de charité. Mais cette dévotion ne l’empêche nullement d’être une femme d’action. Au contraire, c’est précisément dans cette foi vive qu’elle puise l’énergie nécessaire pour affronter les tempêtes politiques qui s’annoncent. Car à peine la couronne posée sur la tête du jeune Louis IX à Reims, en novembre 1226, Blanche se retrouve seule face à une noblesse hostile et à des coalitions de barons décidés à contester son autorité. Elle est femme, et étrangère. Elle est mère, mais sans héritage féodal propre. Aux yeux des grands féodaux, c’est là une double infirmité. Comme le rappelle Jean Richard dans son étude sur Blanche de Castille et la régence royale (1226–1234), parue dans Annales ESC (1977), « plusieurs grands du royaume, au premier rang desquels Philippe Hurepel, comte de Boulogne, et Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, refusèrent de prêter hommage au jeune roi et contestèrent la légitimité du gouvernement exercé par une femme » (p. 1301-1305). Ces contestations s’accompagnent d’attaques plus insidieuses : des rumeurs de trahison, de faiblesses morales, voire de sorcellerie, circulent dans certaines cours, tentant d’entacher la réputation de la régente. Des accusations d’adultère sont même murmurées dans les cercles proches du comte de Champagne, selon les Gesta Ludovici Pii conservés à la BnF (Ms. Lat. 12763), bien que sans preuve tangible.
Face à cette conjoncture périlleuse, Blanche ne fléchit pas. Elle convoque aussitôt les états de la couronne à Bourges, fait prêter serment aux principaux seigneurs du royaume, et obtient la confirmation de la régence grâce au soutien du légat pontifical, le cardinal Romano Frangipani. Son alliance avec la papauté, renforcée par une intense correspondance avec le pape Grégoire IX, devient l’un des piliers de sa légitimité. Par la grâce de Dieu, mais aussi par la finesse de sa stratégie, Blanche de Castille transforme sa faiblesse en force. Elle s’impose non seulement comme régente, mais comme l’un des esprits politiques les plus redoutés de son temps. Les archives diplomatiques du Vatican, conservées partiellement dans le Recueil des actes de Saint Louis, montrent qu’elle menait une correspondance régulière et structurée avec les papes, les exhortant à soutenir la stabilité du royaume pendant la minorité de son fils.
Le portrait de Blanche qui se dégage des chroniques, des actes royaux et des analyses modernes est celui d’une femme au caractère ferme, d’une rare lucidité, dont le sens de l’État dépasse les simples considérations domestiques. « Elle eut l’âme d’un roi, la piété d’une abbesse et la volonté d’un législateur », écrira plus tard Catherine Vincent dans Femmes et pouvoir au Moyen Âge (CNRS éditions, 2005, p. 118). En cela, Blanche de Castille ne se contente pas d’être l’épouse d’un roi ou la mère d’un saint : elle devient elle-même une souveraine, de plein droit, de fait sinon de titre. À travers elle s’affirme une conception originale du pouvoir, fondée sur la maternité politique, la diplomatie religieuse et la force d’un gouvernement exercé au nom du roi absent. Cette autorité, légitimée par les circonstances mais consolidée par le talent, s’impose avec éclat au cœur d’un XIIIe siècle où la monarchie capétienne entre dans sa pleine maturité.
Blanche de Castille n’a jamais porté la couronne seule, mais elle en a incarné la continuité. Par sa main ferme, elle a façonné le règne de Louis IX, protégé la dynastie, gouverné l’administration, résisté aux séditions. Ce rôle de régente, loin d’être une parenthèse, s’est imposé comme une démonstration magistrale du pouvoir féminin dans la France médiévale. Figure centrale du royaume durant plus d’un quart de siècle, elle a su conjuguer autorité et dévotion, stratégie et foi, dans un équilibre unique. Ce faisant, elle s’inscrit non seulement dans la mémoire capétienne, mais dans l’histoire longue du pouvoir monarchique français comme l’une de ses incarnations les plus brillantes et les plus singulières.
Comprendre la figure de Blanche de Castille ne saurait se limiter à l’analyse de sa personnalité ou à son rôle dans l’éducation du futur saint Louis. Pour saisir l’ampleur de son action, il est essentiel de la replacer dans son cadre historique et dynastique, au cœur d’un siècle de transformations politiques majeures. En effet, le début du XIIIᵉ siècle constitue un moment charnière pour la monarchie française. Loin d’être une entité centralisée et stable, le royaume de France est encore marqué par une forte fragmentation féodale, des tensions politiques internes et une monarchie capétienne en quête de légitimité renforcée. Dans ce contexte délicat, la régence féminine de Blanche s’inscrit comme un cas singulier mais structurant, qui mérite d’être éclairé à la lumière des usages politiques, des enjeux diplomatiques et du rôle alors dévolu aux reines et aux mères dans les affaires de l’État. Avant de mesurer les manifestations concrètes de son pouvoir, il convient donc de comprendre les fondements politiques, sociaux et institutionnels qui rendent possible — ou problématique — l'exercice d’un tel pouvoir par une femme, étrangère de surcroît, au sein d’un système encore profondément marqué par les logiques seigneuriales. Ce cadre permettra de mieux appréhender la portée des décisions prises par Blanche et l’originalité de son parcours au sein de la monarchie capétienne.
Chapitre 02 – Contexte historique et dynastique : Le XIIIème siècle, la monarchie capétienne et le rôle politique des femmes
Lorsque Blanche de Castille devient régente du royaume de France en novembre 1226, à la mort de son époux Louis VIII, elle entre en scène dans un paysage politique profondément instable, marqué par une monarchie capétienne encore en construction. Le XIII<sup>e</sup> siècle s’ouvre sur une série de transformations majeures. Le règne de Philippe Auguste, de 1180 à 1223, a considérablement renforcé l’autorité du roi de France, notamment par la victoire décisive de Bouvines, en juillet 1214. Ce combat, opposant les troupes capétiennes à une coalition anglo-germano-flamande, constitue un tournant : il affirme non seulement la supériorité militaire du roi mais aussi sa légitimité politique face à l’Europe féodale. Comme l’écrit Georges Duby dans son ouvrage Le temps des cathédrales, « Bouvines fut la matrice d’un sentiment national embryonnaire, cristallisé autour de la personne du roi » (Duby, 1976, p. 112). Pourtant, cette consolidation du pouvoir royal reste toute relative. Si la couronne s’est étendue sur un territoire plus vaste, notamment par la reconquête de la Normandie, de l’Anjou et du Poitou, elle repose encore sur un équilibre fragile entre autorité monarchique et droits féodaux.
La France de ce début de XIII<sup>e</sup> siècle n’est pas un État centralisé au sens moderne, mais un agrégat de territoires et de seigneuries, liés à la royauté par des serments d’hommage et des fidélités conditionnelles. La féodalité demeure la norme du gouvernement local, et les grands vassaux n’hésitent pas à prendre les armes pour défendre leurs intérêts. Dans cet échiquier complexe, les Capétiens doivent composer avec une aristocratie puissante, attachée à ses privilèges, et qui voit d’un mauvais œil toute velléité de centralisation royale. L’institution monarchique elle-même, bien que renforcée, n’est pas encore suffisamment codifiée pour garantir la continuité du pouvoir en période de vacance ou de minorité. C’est précisément ce qui se produit en 1226, lorsque le jeune Louis IX, âgé de seulement douze ans, monte sur le trône à la suite de la mort prématurée de son père, Louis VIII, emporté par la dysenterie au retour de la croisade contre les Albigeois.
Dans ce contexte, la désignation de Blanche de Castille comme régente soulève des résistances immédiates. Elle est femme, veuve, et d’origine étrangère – trois facteurs qui, combinés, entament d’emblée sa légitimité aux yeux de nombreux seigneurs du royaume. Le chroniqueur et homme d’État Jean Favier évoque dans ses Chroniques capétiennes la « violente hostilité » manifestée à l’encontre de Blanche, perçue par certains comme une intruse, une Castillane imposée par la dynastie royale pour maintenir la mainmise sur un trône disputé (Favier, Les Capétiens, Fayard, 2000, p. 264). Parmi les principaux opposants à la régente figurent des figures redoutées du monde féodal : Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, Philippe Hurepel, comte de Boulogne et demi-frère bâtard du défunt roi, ou encore Thibaut IV de Champagne, poète courtois et seigneur ambitieux. Ces grands féodaux contestent ouvertement le gouvernement d’une femme et tentent de profiter de la minorité du jeune roi pour faire valoir leurs intérêts.
Pour comprendre le rôle que Blanche de Castille va jouer dans cette configuration périlleuse, il faut s’intéresser à la place des femmes dans la monarchie médiévale. Si la loi salique, qui interdit formellement aux femmes d’hériter du trône, ne s’imposera réellement qu’au siècle suivant, la tradition veut déjà que l’exercice du pouvoir royal soit réservé aux hommes. Toutefois, l’histoire médiévale connaît plusieurs exemples de femmes exerçant l’autorité en qualité de régentes, notamment en période de crise ou de minorité royale. Les exemples de Frédégonde ou de Berthe de Hollande sont encore présents dans les esprits, mais ils sont associés autant à la ruse politique qu’à la méfiance chronique envers le pouvoir féminin. En ce sens, Blanche de Castille n’est pas une pionnière, mais sa régence se distingue par son ampleur, sa durée, et surtout par l’efficacité avec laquelle elle parvient à incarner l’autorité souveraine.
Elle n’arrive pas sans modèle. Son aïeule, Aliénor d’Aquitaine, dont elle est la petite-fille maternelle, a exercé le pouvoir à plusieurs reprises, en France comme en Angleterre. Aliénor avait notamment assuré la régence du royaume d’Angleterre lors des absences de son fils Richard Cœur de Lion, notamment pendant sa captivité en Germanie entre 1192 et 1194. Son gouvernement, certes informel, avait permis de maintenir la stabilité du royaume malgré les ambitions de Jean sans Terre. Ce précédent féminin, connu des élites de l’époque, confère à Blanche une autorité de référence, bien que tempérée par son statut d’étrangère. L’influence de ce lignage n’est pas négligeable dans l’affirmation de son autorité. Martin Aurell, spécialiste des Plantagenêt et des dynasties médiévales, souligne dans ses travaux que « l’alliance entre Blanche et Louis [VIII], favorisée par Aliénor, s’inscrivait déjà dans une logique diplomatique à visée politique, où la femme devient l’instrument de paix et de pouvoir » (Aliénor d’Aquitaine et les femmes de pouvoir au XIIe siècle, OpenEdition, 2010).
À ces héritages symboliques s’ajoute une réalité politique plus tangible : Blanche est profondément pieuse et elle sait s’appuyer sur l’Église pour légitimer son action. Dès les premières semaines de sa régence, elle se rapproche du cardinal Romano Frangipani, légat du pape Grégoire IX, qui reconnaît son autorité et l’encourage à défendre la couronne contre les ambitions des féodaux. Cette alliance avec la papauté joue un rôle fondamental dans la reconnaissance de son pouvoir, en lui conférant un soutien moral et institutionnel au moment où les bases juridiques de la régence restent encore floues. Dans une lettre conservée aux Archives Vaticanes et reproduite partiellement dans le Recueil des actes de Saint Louis, Grégoire IX exhorte Blanche à « préserver l’unité du royaume et la pureté de la foi, en mère chrétienne et en protectrice du jeune roi » (Recueil des actes, Paris, BnF, Ms. Latin 10745, fol. 49r).
Ce double appui – dynastique et spirituel – permet à Blanche de s’imposer dans un contexte dominé par les tensions féodales. Elle comprend rapidement que l’autorité royale ne peut survivre sans une politique active d’alliances, de compromis et, si nécessaire, de répression. Mais cette maîtrise politique ne se manifeste pas encore dans des actes éclatants : elle repose d’abord sur une capacité à incarner la continuité, à faire oublier que le roi est un enfant, et à faire accepter qu’une femme gouverne en son nom. Comme le souligne Didier Lett dans son article Les usages de la régence dans la monarchie capétienne (Médiévales, 2008), la régence de Blanche marque « un moment de bascule, où l’on passe d’une régence de survie à une régence de puissance » (p. 17). Blanche ne se contente pas de garder le trône pour son fils : elle l’exerce, dans toute sa plénitude, comme un acteur politique à part entière.
C’est dans ce contexte que l’on peut parler, avec prudence, d’un « âge d’or du pouvoir féminin » dans le royaume de France. Le XIII<sup>e</sup> siècle voit l’émergence de plusieurs figures féminines importantes, tant sur le plan politique que religieux. Des femmes fondent des abbayes, soutiennent des universités, patronnent les arts, et, comme Blanche, administrent des royaumes. Cette présence, bien que minoritaire, révèle une plasticité du pouvoir médiéval, capable d’intégrer temporairement les femmes à sa structure sans en bouleverser le fondement patriarcal. Blanche de Castille, forte de son héritage capétien et castillan, et armée de son intelligence politique, parvient à inscrire son autorité dans cette dynamique. Dans les mots de l’historienne Catherine Vincent, elle incarne « une autorité royale au féminin, fondée sur la maternité, la foi et la continuité dynastique » (Femmes et pouvoir au Moyen Âge, CNRS éditions, 2005, p. 126).
À la charnière de deux systèmes politiques – la féodalité héréditaire et la monarchie administrative centralisée – Blanche de Castille se trouve dans une position unique. Elle gouverne un royaume en transition, où les anciens usages cohabitent avec les prémices d’une gestion plus rationnelle du pouvoir. Elle doit composer avec des alliances mouvantes, des fidélités fragiles, des résistances farouches. Mais elle possède un sens politique aigu, hérité de sa lignée autant que de son éducation. Naviguant entre les embûches d’une noblesse féroce et les attentes d’un clergé vigilant, elle érige peu à peu la figure d’une régente inébranlable. Le royaume de France, à son contact, s’habitue à la main d’une femme sur le sceptre royal. Et cette main, discrète mais ferme, prépare déjà les grandes victoires d’un roi qu’elle aura su élever dans l’ombre et conduire vers la lumière.
Après avoir situé Blanche de Castille dans le contexte politique du XIIIᵉ siècle, marqué par les résistances féodales et les usages fluctuants de la régence, il convient désormais d’observer comment cette figure féminine exerce concrètement le pouvoir. Car au-delà de l’exception que représente son accession à la régence, c’est la manière dont elle gouverne qui confère à son règne toute son importance. Les années 1226 à 1234, période de sa première régence, sont décisives pour la survie de l’autorité royale. Ce moment historique est caractérisé par des décisions politiques majeures, une gestion pragmatique du royaume, une diplomatie fine face aux grandes maisons rivales et une volonté affirmée d’affermir la légitimité monarchique, non seulement par les actes mais aussi par les images et les symboles. Blanche ne se contente pas de maintenir l’ordre : elle l’organise, le renforce et le projette dans une perspective durable. C’est dans cette partie de l’analyse que nous pourrons explorer les différentes facettes de son autorité : militaire, diplomatique, administrative et culturelle, à travers des sources multiples — actes royaux, correspondances, chroniques et représentations iconographiques — qui documentent la densité et la diversité de son action au sommet de l’État.
Chapitre 03 – Manifestations du pouvoir : Régence, diplomatie, gestion du royaume et iconographie royale
Lorsque Louis VIII s’éteint prématurément le 8 novembre 1226 à Montpensier, emporté par la dysenterie, Blanche de Castille ne laisse place à aucun flottement. La menace d’un vide de pouvoir plane immédiatement sur un royaume encore fragile, divisé par les ambitions féodales. La régente réagit sans attendre. Elle organise dans l’urgence le sacre de son fils Louis, âgé de seulement douze ans, à Reims, dès le 29 novembre. Ce geste hautement symbolique vise à affirmer la continuité dynastique face à la contestation, et à devancer toute tentative de rébellion. Selon Jean Richard, ce choix témoigne d’un « instinct souverain de la légitimité royale », alors même que la régence de Blanche n’a encore reçu aucune reconnaissance formelle (Annales. ESC, 1977, p. 1302). Le sacre, entouré de faste et d’ostentation, met ainsi en scène l’entrée dans le règne du jeune Louis IX, mais surtout, la main ferme de sa mère dans les affaires du royaume.
Le contexte est explosif. À peine le roi couronné, plusieurs grands féodaux s’unissent contre le gouvernement exercé au nom d’un enfant et dirigé par une femme étrangère. Parmi eux, Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, Philippe Hurepel, comte de Boulogne, et Thibaut IV de Champagne, que l’on surnommera plus tard Thibaut le Chansonnier. Ces seigneurs, héritiers des anciennes autonomies féodales, refusent de reconnaître l’autorité royale incarnée par Blanche. Ils cherchent à morceler le pouvoir, voire à s’en emparer, et fomentent plusieurs soulèvements à travers le nord et l’ouest du royaume. Blanche ne cède rien. Dès 1227, elle convoque une assemblée de barons fidèles à Vendôme, obtient le soutien renouvelé du légat du pape, Romano Frangipani, et engage des campagnes militaires ciblées. Selon les Grandes Chroniques de France, elle sut « diviser les rebelles, accorder des pardons aux plus conciliants et frapper sans faiblesse les plus entêtés » (BnF, ms. Latin 7780, fol. 142r).
Son habileté face à Thibaut de Champagne révèle toute sa finesse diplomatique. Poète courtois, Thibaut n’est pas seulement un seigneur ambitieux ; il est aussi sensible à l’élégance d’esprit de la régente. Certains chroniqueurs, notamment Guillaume de Nangis, relatent une relation empreinte de respect, où l’admiration du comte pour Blanche aurait servi les intérêts de la couronne : « Il se détourna de la guerre, vaincu par la grâce autant que par la prudence de la reine » (Chronicon, éd. H.F. Delaborde, t. II, p. 48). D’autres, comme Joinville, insistent davantage sur la capacité de Blanche à retourner les cœurs autant que les armes, transformant un potentiel ennemi en allié durable.
À l’ouest, la situation est plus belliqueuse. Pierre Mauclerc s’allie à Hugues de Lusignan pour contester militairement la régence. Blanche rassemble ses troupes et fait campagne en personne. La légende, rapportée dans plusieurs manuscrits hagiographiques tardifs, veut qu’elle soit apparue en armure blanche, montée sur un cheval caparaçonné, menant l’armée capétienne avec dignité et bravoure. Ce récit, bien que teinté de symbolisme, illustre la perception contemporaine de sa vaillance. Jean Wirth, dans son étude sur l’iconographie royale, note que cette représentation de la “reine blanche” s’inscrit dans un effort conscient de construire une image de pouvoir incarné, autant par l’apparence que par les actes (Revue de l'art médiéval, 2001, p. 127).
Mais la guerre n’est qu’une facette de son gouvernement. Blanche excelle aussi dans l’art de la diplomatie. Entre 1227 et 1229, elle mène une politique de négociations continues avec les barons français et les puissances étrangères. Elle engage un dialogue prudent avec le roi Henri III d’Angleterre, qui espère profiter de l’instabilité française pour reprendre les possessions perdues par son père. Elle neutralise ses ambitions sans livrer bataille. Le point culminant de sa stratégie diplomatique se joue en 1229, lorsqu’elle conclut le traité de Paris – ou traité de Meaux – avec Raymond VII de Toulouse. Ce traité met fin à la longue guerre contre les Albigeois, débutée dès 1209. Par cet accord, Blanche obtient l’abandon effectif de l’autonomie toulousaine, la reconnaissance de l’autorité capétienne dans le Midi, et arrange le mariage d’Alphonse de Poitiers, son fils cadet, avec Jeanne de Toulouse, fille de Raymond. Ce mariage dynastique, couplé à l’inféodation du comté, scelle l’intégration progressive du Languedoc au domaine royal. Dans les mots de l’historienne Catherine Vincent, « la régente ne restaura pas seulement la paix ; elle élargit et renforça le royaume » (Femmes et pouvoir au Moyen Âge, CNRS, 2005, p. 133).
En parallèle de ces victoires politiques et militaires, Blanche exerce un pouvoir administratif soutenu et pragmatique. Elle préside le conseil du roi, signe des ordonnances, et prend part à la gestion des finances. De nombreux actes royaux émis entre 1226 et 1234 portent sa signature ou sont scellés de son sceau. Ce sceau, conservé aux Archives nationales et analysé par le corpus Sigilla (IRHT-CNRS), la représente debout, couronnée, tenant une fleur de lys dans la main droite, et un sceptre dans la gauche. Autour d’elle, le champ du sceau est orné de lys armoriés, soulignant sa fonction de garante de la lignée capétienne. Son image n’est pas seulement décorative : elle est politique. Elle affirme sa fonction, son autorité et sa légitimité à gouverner au nom de son fils.
Sa gouvernance repose aussi sur une logique d’ouverture. Blanche ne se limite pas aux fidélités nobiliaires ; elle s’entoure parfois de conseillers issus de la bourgeoisie, choisis pour leurs compétences. Après une tentative d’enlèvement du jeune roi en 1226, elle écarte certains seigneurs déloyaux et les remplace par des hommes de confiance, y compris issus du tiers état urbain. Cette mesure, rapportée par Jean Richard, lui vaut le soutien de plusieurs villes, qui y voient une reconnaissance implicite de leur rôle politique (Annales ESC, 1977, p. 1306). Blanche incarne ainsi une forme de gouvernement qui s’éloigne de la seule logique féodale pour s’ancrer dans un modèle plus souple et plus centralisé, annonçant les pratiques de la monarchie administrative du siècle suivant.
À cette autorité politique s’ajoute un sens aigu de la clémence stratégique. En 1227, elle libère certains prisonniers de guerre, dont Ferrand de Flandre, afin de ramener la paix parmi les élites turbulentes. Selon les Gesta Ludovici IX, elle déclare alors : « La justice apaise la colère, mais la miséricorde gagne les cœurs » (BnF, ms. Lat. 7794, fol. 213v). Son gouvernement est surnommé par certains clercs contemporains le temps des pardons, alliant fermeté et indulgence au nom de la stabilité. Elle se rend également attentive aux affaires du peuple : vers la fin de sa vie, elle apprend que des indigents parisiens ont été enfermés sans raison valable. Blanche se rend alors en personne à la geôle pour exiger leur libération, comme le rapporte une chronique conservée au monastère de Maubuisson, fondation royale qu’elle patronne elle-même (Chronicon Maubuissionense, éd. A. Ledru, 1931, p. 67).
Enfin, l’une des facettes les plus durables de son pouvoir se lit dans l’usage qu’elle fait de l’image et de l’iconographie. Blanche comprend que le règne ne s’affirme pas seulement par l’acte, mais aussi par la représentation. C’est sans doute à son initiative qu’est commandée la célèbre Bible moralisée de Saint Louis, manuscrit enluminé d’une richesse inégalée, destiné à l’éducation religieuse et politique du jeune roi. Dans l’une des miniatures, conservée à la BnF (ms. Arsenal 5056), on voit une reine trônant à côté d’un enfant couronné, sous un dais gothique. La main levée de la reine semble transmettre un enseignement, tandis que l’enfant l’écoute avec déférence. Cette image, analysée par Monique Léonard dans sa contribution à Médiévales (2012), montre Blanche non seulement comme régente, mais comme pédagogue et mère spirituelle du roi. L’iconographie la présente parfois vêtue de blanc, voilée et couronnée, renforçant la symbolique de pureté, de sagesse et de légitimité.
La régence de Blanche de Castille, exercée sans partage de 1226 à 1234, puis de nouveau brièvement en 1248 lors du départ de Louis IX pour la croisade, constitue une démonstration éclatante du pouvoir exercé par une femme au cœur du système capétien. Par la guerre, la diplomatie, la loi, l’image et la foi, Blanche a incarné une forme rare de pouvoir souverain féminin, fondée non sur l’exception mais sur la capacité. Son règne transitoire ne fut pas une parenthèse, mais une architecture solide sur laquelle repose l’un des règnes les plus illustres de l’histoire de France.
Les manifestations du pouvoir de Blanche de Castille, observées dans leur matérialité politique et diplomatique, donnent une idée précise de sa capacité à gouverner avec fermeté dans un environnement conflictuel. Toutefois, pour saisir pleinement son influence sur le royaume et sur l’imaginaire politique de son temps, il est nécessaire d’aborder les récits qui, au-delà des actes officiels, illustrent la perception de son autorité dans la mémoire collective. L’histoire de Blanche ne se résume pas à une suite de décisions administratives : elle est aussi faite d’épisodes marquants, d’anecdotes hautement symboliques, et de situations extraordinaires, parfois dramatiques, où se dévoile la complexité de son rôle. Ces récits, largement relayés par les chroniqueurs contemporains et ultérieurs, permettent de mieux comprendre les tensions qu’elle a dû affronter, les stratégies qu’elle a mises en place, ainsi que la manière dont elle a incarné à la fois la régente, la mère et la protectrice du royaume. Ils offrent également un regard plus personnel sur sa relation avec son fils Louis, sur sa dévotion, sur l’usage politique des lieux sacrés, et sur l’intelligence tactique qui lui a permis de retourner des situations critiques en actes de gouvernement. C’est dans cette perspective que s’inscrit l’examen des épisodes les plus marquants de sa régence, véritables clés de lecture de son pouvoir et de son héritage.
CHAPITRE 04 – Anecdotes et récits emblématiques : Enlèvement de Louis IX, révolte des barons, abbayes stratégiques et maternité politique
La vie de Blanche de Castille ne fut pas seulement marquée par des décisions politiques décisives ou des actes d’autorité administrative : elle fut aussi tissée d’épisodes dramatiques et de récits exemplaires, relayés par les chroniques contemporaines comme par les traditions postérieures. Ces histoires, bien qu’enracinées dans des faits documentés, révèlent la puissance d’incarnation politique et symbolique de la régente. Parmi les événements les plus marquants figure la tentative d’enlèvement de son fils Louis IX, encore adolescent, à peine un an après son couronnement.
À l’automne 1227, alors que Blanche pense avoir contenu l’agitation des grands féodaux, un complot éclate. Profitant d’un relâchement momentané de la surveillance, des seigneurs hostiles, sous la conduite du redouté Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, s’emparent du jeune roi et le retiennent au château de Montlhéry. Cet acte audacieux vise à prendre le contrôle du gouvernement royal en écartant la régente. Le récit, rapporté dans les Grandes Chroniques de France (BnF, ms. fr. 2813, fol. 156v), évoque le tumulte que cette nouvelle provoque à Paris. Le peuple, resté fidèle à la reine, se soulève spontanément : artisans, commerçants, étudiants et clercs se rassemblent en armes et marchent sur Montlhéry. Devant l’ampleur du mouvement populaire, les barons conspirateurs sont contraints de restituer Louis IX, qui est ramené triomphalement auprès de sa mère. Cet épisode fonde l’une des images les plus puissantes de Blanche : une régente soutenue non par la seule noblesse, mais par les forces vives du royaume, galvanisées par sa légitimité.
Mais loin d’en rester à une réaction émotionnelle, Blanche tire de cette tentative d’enlèvement une leçon stratégique. Désormais, elle redouble de vigilance : Louis IX voyage de château en château sous escorte fidèle, souvent hébergé dans des abbayes placées sous la protection ecclésiastique. En consolidant ses alliances urbaines, en renouvelant les serments de fidélité auprès des seigneurs hésitants, en affirmant la mainmise de l’Église sur le jeune roi, elle renforce progressivement l’armature du pouvoir capétien. La tentative de rapt, loin d'affaiblir sa position, cristallise autour d’elle un bloc de loyauté qui se révélera décisif durant les années suivantes.
La révolte des barons, qui éclate dans le sillage de cette crise, prend une ampleur quasi insurrectionnelle entre 1227 et 1230. Plusieurs féodaux, regroupés autour de Thibaut IV de Champagne et de Pierre Mauclerc, remettent en cause la régence. Thibaut, connu pour ses poèmes courtois, compose même des vers satiriques contre Blanche, insinuant que son pouvoir serait illégitime, voire immoral. Mais la régente ne réagit pas par la force immédiate. Selon Jean Richard, elle choisit au contraire une approche patiente, feignant d’ignorer les provocations tout en flattant subtilement l’orgueil du comte (Blanche de Castille et la régence royale, Annales ESC, 1977, p. 1307). Certains chroniqueurs, tel Guillaume de Nangis, vont jusqu’à rapporter que Thibaut, épris d’admiration, finit par se ranger aux côtés de Blanche, la soutenant dans ses entreprises, tant il fut désarmé par sa diplomatie bienveillante et sa fermeté feutrée.
La menace la plus sérieuse demeure toutefois celle de Pierre Mauclerc. En 1230, ce dernier convainc Henri III d’Angleterre d’intervenir militairement. Une expédition anglo-bretonne est organisée, menaçant directement la couronne. Blanche, sans engager de bataille frontale, opte pour une tactique d’usure. Elle fait fortifier les villes loyales, intercepte les convois ennemis, maintient les barons fidèles dans les zones stratégiques. La campagne anglaise s’embourbe dans des résistances locales et des désertions. À l’automne 1230, Henri III quitte la France, incapable de percer. Mauclerc, isolé, finit par négocier. En 1234, il accepte de prêter hommage à Louis IX. Blanche, en régente avisée, lui laisse la Bretagne, à condition qu’il reconnaisse l’autorité royale jusqu’à la majorité du roi. Cette conclusion, remarquablement équilibrée, marque la fin de la révolte et l'affirmation définitive de la légitimité de Blanche à gouverner.
Son autorité ne se manifeste pas uniquement sur le champ de bataille ou dans les conseils du roi. Elle s’exprime aussi dans son rapport subtil à l’Église et aux fondations religieuses. Profondément pieuse, Blanche n’est pas seulement une mécène : elle est une stratège du spirituel. Les abbayes qu’elle patronne ne sont pas de simples refuges de dévotion. Elles forment un réseau d’influence et de rayonnement politique. Dès 1228, elle soutient la fondation de l’abbaye de Royaumont, entreprise par Louis IX en hommage à son père défunt. Elle y voit un double intérêt : ancrer la mémoire dynastique et installer un bastion capétien dans le nord du royaume. Elle fonde elle-même en 1236 l’abbaye cistercienne de Maubuisson, située près de Pontoise. Elle y place comme abbesse sa cousine Alix de Mâcon, assurant ainsi la fidélité de cette communauté à la couronne. Enfin, en 1244, elle co-fonde avec Louis IX l’abbaye du Lys, non loin de Melun. Ce lieu, où elle aime se retirer, devient son sanctuaire personnel. C’est en chemin vers cette abbaye qu’elle est prise d’un malaise en novembre 1252, et qu’elle meurt pieusement, après avoir reçu les sacrements.
Les chroniques, notamment celles de Maubuisson, soulignent que Blanche trouvait dans ces lieux un appui spirituel autant qu’un instrument de paix : les religieux priaient pour le roi, servaient d’intermédiaires discrets lors des négociations, et offraient un refuge sûr lors des périodes de tension. L’enceinte monastique, en tant qu’espace sacré, offrait une immunité utile à la régente. L’un de ses choix les plus significatifs reste son inhumation à Maubuisson, et le transfert de son cœur à l’abbaye du Lys, geste qui illustre sa volonté d’ancrer sa mémoire dans le tissu religieux du royaume.
Cette vision religieuse de l’autorité se mêle à une autre dimension essentielle : sa maternité politique. Blanche n’est pas seulement la mère biologique de Louis IX ; elle est aussi la protectrice symbolique du royaume, qu’elle gouverne avec une ferveur quasi maternelle. Son éducation de Louis, rigoureuse et pieuse, reflète cette volonté de former non seulement un roi, mais un roi saint. La phrase transmise par Joinville, « je préférerais te voir mort que souillé d’un péché mortel », est peut-être l’expression la plus saisissante de cette intransigeance morale (Vie de Saint Louis, éd. N. de Wailly, 1874, p. 10). Cet idéal de perfection chrétienne façonne la personnalité du futur roi, qui restera toute sa vie fidèle aux principes inculqués par sa mère.
Même après la fin officielle de sa régence, en 1234, Blanche continue de conseiller Louis IX. Elle siège au conseil du roi, organise les alliances familiales, et conserve un rôle central à la cour. Elle arrange notamment le mariage de son plus jeune fils, Charles d’Anjou, avec Béatrice de Provence en 1246, assurant ainsi un puissant relais dynastique dans le sud. Mais cette maternité politique n’est pas sans tension : Blanche supporte mal l’influence croissante de la reine Marguerite de Provence, épouse de Louis IX. Des témoignages rapportent qu’elle limitait les rencontres entre les époux, et se réservait l’accès prioritaire au roi, même dans l’intimité. Cette jalousie maternelle, relevée par Jean Favier, témoigne de son attachement presque exclusif à la figure royale (Les Capétiens, Fayard, 2000, p. 287).
Lorsque Louis IX décide de partir en croisade en 1248, Blanche tente de le dissuader. Elle redoute les périls d’un voyage lointain et la possible vacance du pouvoir. Le roi insiste. Avant de quitter la France, il confie de nouveau la régence à sa mère, preuve d’une confiance intacte. Cette seconde régence (1248–1252) est marquée par un dernier épisode troublé : la révolte des Pastoureaux, une bande de jeunes gens exaltés prétendant vouloir libérer Louis IX captif en Orient. Ce soulèvement, désordonné et imprévisible, traverse le royaume en 1251. Blanche, âgée et affaiblie, prend cependant les mesures nécessaires pour l’éteindre. Elle envoie des ordres fermes aux prévôts, interdit tout attroupement et rétablit l’ordre sans effusion de sang. Peu de temps après, sa santé décline. En novembre 1252, elle s’éteint dans la paix de Dieu, selon les mots de son confesseur, dans l’abbaye qu’elle chérissait.
Sa vie s’achève là où elle l’avait guidée : entre autorité maternelle, dévotion profonde et stratégie royale. Dès 1216, alors que Louis VIII projetait une expédition en Angleterre, Blanche avait juré : « Au nom de Dieu, je sais bien ce que je ferai. J’ai de beaux enfants de mon seigneur ; je les mettrai en gage, et s’il le faut, je les livrerai pour lui » (Chroniques de Saint-Denis, Gallica, BnF, ms. fr. 10132, fol. 94r). Cette phrase, prononcée au cœur des tractations diplomatiques, résume à elle seule l’engagement total de Blanche de Castille. Mère d’un roi, mais aussi mère d’un royaume, elle a élevé son fils pour qu’il devienne un souverain juste, et gouverné un pays comme on veille sur une famille – avec force, vigilance, et une foi inébranlable.
Les épisodes emblématiques de la vie politique et personnelle de Blanche de Castille, de l’enlèvement de son fils aux fondations monastiques, illustrent la pluralité de ses rôles et la profondeur de son engagement au service de la couronne. Ces récits révèlent une femme d’action, de foi et de stratégie, capable de conjuguer devoir maternel et exercice souverain dans un équilibre rarement atteint dans l’histoire médiévale. Mais pour comprendre l’ampleur de sa postérité, il faut à présent s’attacher à mesurer son héritage : non seulement celui qu’elle laisse à son fils, devenu saint Louis, mais aussi celui qu’elle imprime dans la culture politique du royaume et dans la mémoire collective. En analysant l’impact durable de sa régence, tant sur le plan institutionnel qu’iconographique, il devient possible de situer Blanche non plus seulement comme une actrice d’un temps donné, mais comme une référence fondatrice dans l’histoire des reines de France. Ce dernier chapitre propose ainsi une synthèse de son apport, de son influence sur les régences postérieures, et de la manière dont elle continue de structurer l’imaginaire monarchique français à travers les siècles.
CHAPITRE 05 – Conclusion : Héritage politique, iconographique et modèle de régence féminine
Lorsque Blanche de Castille s’éteint le 27 novembre 1252 à Melun, affaiblie par les privations et les années de lutte, ce n’est pas seulement une mère royale qui disparaît, mais une figure d’État dont l’empreinte sur la monarchie française s’avère décisive. Depuis le début de sa régence en 1226 jusqu’à sa dernière intervention dans les affaires du royaume, elle n’a cessé de conjuguer autorité, clairvoyance et piété dans un contexte où la légitimité du pouvoir féminin restait fragile, contestée, souvent précaire. En s’imposant avec fermeté dans un système essentiellement masculin, Blanche n’a pas seulement gouverné : elle a fondé un modèle. « La régence de Blanche de Castille sauva dans bien des domaines l’œuvre capétienne », écrit un historien moderne en soulignant le caractère fondateur de son action. Car au-delà de son rôle de transition, elle aura consolidé les bases politiques, institutionnelles et territoriales sur lesquelles s’appuiera le règne de son fils, Louis IX.
Ce renforcement de l’unité capétienne, opéré par une main de femme, constitue l’un des legs les plus puissants de la régence. À sa prise de pouvoir, le royaume menaçait d’implosion sous la pression des grandes principautés féodales ; à sa mort, la couronne est stable, respectée de ses voisins, et ses frontières ont été élargies notamment par le rattachement diplomatique du comté de Toulouse. Elle lègue ainsi à Louis IX un royaume pacifié, capable de rayonner sur la chrétienté. Le roi, alors en croisade à Damiette lorsqu’il apprend sa mort, aurait été profondément bouleversé. Joinville rapporte qu’il considérait sa mère comme le « plus sûr soutien de sa royauté » (Vie de Saint Louis, éd. de Wailly, 1874, p. 34). Ce deuil personnel se double d’un constat politique : sans Blanche, le trône capétien n’aurait peut-être pas survécu aux tempêtes des années 1220.
Le modèle de régence qu’elle a incarné reste sans équivalent dans l’histoire capétienne de son temps. Là où d’autres régences, ultérieures, se solderont par des conflits internes ou des pertes d’autorité — comme celle de Charles VI sous la tutelle des ducs de Bourgogne et d’Orléans — la régence de Blanche marque une exception : celle d’une gouvernance féminine qui fortifie la monarchie au lieu de la fragiliser. Cette réussite ne passe pas inaperçue dans les siècles suivants. Anne de Beaujeu, fille de Louis XI et régente de Charles VIII au XVe siècle, puis Catherine de Médicis au XVIe siècle, invoqueront l’exemple de Blanche pour justifier leur autorité en période de minorité royale. L’historienne Éliane Viennot souligne que Blanche « devient une référence structurante dans l’imaginaire politique féminin, incarnant la possibilité d’un pouvoir maternel, ferme et légitime » (L’exercice féminin du pouvoir au XIIIe siècle, HAL-SHS, 2009).
Son souvenir ne s’est pas effacé avec les siècles. Si elle ne fut jamais canonisée comme son fils Louis, dont le rayonnement hagiographique a parfois occulté la figure maternelle, Blanche fut néanmoins vénérée par la tradition capétienne et honorée comme modèle de souveraineté vertueuse. Au XIXe siècle, dans un contexte de redécouverte romantique du Moyen Âge, son image fut réhabilitée par plusieurs auteurs. Régine Pernoud la surnomme « la Reine Blanche », insistant à la fois sur la blancheur symbolique de son prénom et sur la clarté morale de son règne (Les Femmes au temps des cathédrales, Stock, 1980). Son effigie figure dans de nombreux vitraux, notamment à la Sainte-Chapelle de Paris, où elle est représentée aux côtés de saint Louis, dans une iconographie qui consacre la filiation spirituelle autant que dynastique.
Blanche de Castille laisse également une empreinte dans les arts du livre. Les manuscrits enluminés de la Bible moralisée, destinés à l’éducation de Louis IX, la montrent siégeant à côté du jeune roi, dans une posture d’instruction empreinte de majesté et de douceur. Cette représentation, analysée par Monique Léonard dans la revue Médiévales (2012), sacralise la transmission du savoir et du pouvoir entre mère et fils, et institue une image durable de la maternité politique. De nombreuses miniatures la montrent couronnée, voilée de blanc, tenant le sceptre ou le livre, entourée de lys : autant de symboles qui associent la pureté à la souveraineté, la sagesse à l’autorité.
Mais son héritage dépasse le cadre visuel. Il se lit dans les structures de gouvernement qu’elle a consolidées : centralisation du pouvoir royal, renforcement du rôle des villes, élargissement du domaine capétien, usage stratégique des mariages dynastiques, création de réseaux de fidélité autour des abbayes et des ordres religieux. Elle a su incarner une monarchie forte et pieuse, tempérée par une diplomatie habile, soutenue par un sens aigu du sacré et du bien commun. C’est au cours de la période de paix qu’elle garantit que s’élèveront ou s’agrandiront nombre de cathédrales gothiques, comme celles d’Amiens, de Reims ou de Beauvais, que les chroniqueurs de l’époque considèrent comme les reflets de la prospérité et de la stabilité retrouvée.
Aujourd’hui, Blanche de Castille demeure une figure fascinante du patrimoine français. Son nom évoque l’intelligence politique d’une reine à l’ombre du trône, la fermeté d’une mère régente, la grandeur d’un royaume qu’elle a porté comme une matrice. Elle incarne l’idéal médiéval d’une royauté chrétienne et féminine, et lègue à la France une image de sagesse et de courage qui traverse les âges. Elle n’a pas été une simple passagère du pouvoir, mais une de ses grandes architectes. La postérité, qui a parfois oublié d’inscrire les femmes dans le récit national, ne peut ignorer la trace lumineuse laissée par celle que l’on appelle encore « la mère du roi saint ». Blanche de Castille, la reine blanche, la régente, la stratège, la fondatrice, appartient de plein droit au panthéon politique de la France médiévale. Elle reste, pour l’histoire, une lumière souveraine dont le rayonnement, tel un flambeau transmis, continue d’éclairer la mémoire politique et culturelle de la nation.
Iconographie

Blanche de Castille instruisant son fils Louis IX, dans une miniature de la Bible moralisée (vers 1230)
Bibliothèque nationale de France (BnF), Département des Manuscrits, Manuscrit Français 166
Cette image emblématique, peinte sur fond d’or, met en scène la reine Blanche, voilée et couronnée, levant la main dans un geste didactique, face à son fils, le jeune Louis IX, également couronné et assis en majesté. La composition symétrique traduit la continuité du pouvoir, tandis que les gestes soulignent une relation d'autorité et d'enseignement. Cette enluminure reflète la place centrale de Blanche dans l’éducation du futur roi, une figure maternelle investie d’un rôle politique et spirituel, qui dépasse la seule filiation dynastique pour devenir un modèle de gouvernance transmise.
Sources
Manuscrit d’origine : Bible moralisée, vers 1230, BnF, Français 166, folio 1r
➤ Voir sur Gallica – Bibliothèque nationale de France
Références académiques :
Wirth, Jean. « L’image de Blanche de Castille dans les arts visuels », Revue de l’art médiéval, OpenEdition, 2008.
Léonard, Monique. « L’image politique de Blanche dans les manuscrits enluminés », Médiévales, n°63, 2012, OpenEdition.
Pastoureau, Michel. Figures de la royauté au Moyen Âge, Paris : Le Léopard d’or, 1997.

Couronnement de Louis VIII et de Blanche de Castille à Reims, 1223
Bibliothèque nationale de France (BnF), Département des Manuscrits, Manuscrit Français 2813 (autre version : Français 6465)
Cette enluminure, réalisée dans la seconde moitié du XVe siècle, illustre un événement déterminant : le couronnement conjoint de Louis VIII, dit « le Lion », et de son épouse Blanche de Castille, le 6 août 1223. Peints dans un décor de lys d’or sur fond azur, symbole de la royauté capétienne, les deux souverains agenouillés reçoivent l’onction sacrée de l’archevêque de Reims. Cette image, tirée des Grandes Chroniques de France, met en scène l’entrée officielle de Blanche dans le cercle du pouvoir. Dès cette cérémonie solennelle, elle est associée à la souveraineté de son époux, dans une fonction qui préfigure son rôle futur de régente. Derrière les protagonistes principaux, se tiennent les grands du royaume – prélats et barons – incarnant l’assentiment politique et religieux nécessaire à l’exercice du pouvoir. Cette représentation tardive (vers 1455-1460) conserve néanmoins un écho fidèle des récits de chroniqueurs contemporains, qui soulignent l’importance symbolique de cette investiture double.
Sources :
Manuscrit d’origine : Grandes Chroniques de France, enluminées par Jean Fouquet, BnF, Manuscrit Français 6465, fol. 247 (Livre de Louis VIII)
➤ Voir sur Gallica – BnF
Références académiques :
Spiegel, Gabrielle M. The Chronicle Tradition of Saint-Denis: A Survey, Berkeley: University of California Press, 1978.
Hedeman, Anne D. The Royal Image: Illustrations of the Grandes Chroniques de France, 1274–1422, Berkeley: University of California Press, 1991.
Delisle, Léopold. Catalogue des manuscrits français de la Bibliothèque nationale, Paris, 1868–1875.

Vitrail de la baie 10 – Livre d'Esther
Sainte-Chapelle de Paris, Centre des Monuments Nationaux
Situé dans la célèbre Sainte-Chapelle édifiée par Louis IX, ce vitrail du XIIIᵉ siècle figure parmi les 15 verrières monumentales retraçant des épisodes bibliques. La baie 10 est consacrée au Livre d’Esther, héroïne de l’Ancien Testament qui, grâce à sa foi et son courage, sauva son peuple de l’extermination. Ce cycle narratif, composé de 120 panneaux, est placé au-dessus de l’oratoire réservé à Blanche de Castille, et dans lequel elle venait prier. L’iconographie mêle fleurs de lys (symbole capétien) et châteaux (armoiries de Castille), soulignant l’identité double de la reine comme étrangère devenue pilier de la monarchie française. L’histoire d’Esther y devient allégorie : femme pieuse, médiatrice et régente providentielle, elle évoque Blanche dans son rôle de protectrice du royaume et figure morale du pouvoir. Ce rapprochement, fréquemment relevé dans les études iconographiques (notamment par Bernard Acloque, CNM), participe à la légitimation symbolique du gouvernement féminin dans la France du XIIIᵉ siècle.
Sources
Bernard Acloque, Les vitraux de la Sainte-Chapelle, Centre des Monuments Nationaux.
(ou via la base RMN - Réunion des Musées Nationaux, recherche : baie 10 – Livre d’Esther, Sainte-Chapelle)
Jean-Michel Leniaud, La Sainte-Chapelle, CNRS Éditions, 2007.
Michel Pastoureau, L’art du vitrail en France, Picard, 1980.

Sceau de Blanche de Castille
Bibliothèque nationale de France (BnF), Département des Monnaies, Médailles et Antiques – base Sigilla, inv. [SIGILLV BL'ACHE DEI GRATIA FRANCORVM REGINE]
Ce sceau majestueux, de forme navette et mesurant 86 mm de haut, représente Blanche de Castille debout, vêtue d’un surcot rehaussé d’un fermail et d’un manteau, tenant dans sa main droite un fleuron. Elle est encadrée par cinq fleurs de lys – deux à sa droite, trois à sa gauche – symbolisant la monarchie capétienne. Sur son contre-sceau (non visible ici), figure le château de Castille, emblème de sa maison d’origine, accompagné de trois fleurs de lys françaises. Par cette double iconographie, Blanche manifeste à la fois son héritage espagnol et son appartenance à la dynastie française. La légende circulaire, en latin médiéval, proclame : Sigillum Blanche, Dei gratia Francorum regine (« Sceau de Blanche, reine des Francs par la grâce de Dieu »), affirmant sa légitimité divine et son rôle institutionnel dans le royaume. Ce sceau n’est pas seulement un objet juridique, il incarne le pouvoir féminin dans sa forme la plus solennelle, gravé dans la cire comme dans l’histoire.
Sources :
Base Sigilla (IRHT-CNRS / BnF), notice "Blanche de Castille – sceau"
➤ Consulter la fiche sur Sigilla (base académique des sceaux médiévaux)
Brigitte Bedos-Rezak, Form and Order in Medieval France: Studies in Social and Quantitative Sigillography, Ashgate, 1993.
Rodolphe Kay, notice scientifique dans Sigilla (création le 28 juin 2021)

Joseph-Marie Vien, huile sur toile, vers 1750
Musée des Beaux-Arts d’Angers, Inv. MTC 1811.1.6 (consultable via la base Joconde, Ministère de la Culture)
Cette toile du XVIIIᵉ siècle, peinte par Joseph-Marie Vien, transpose dans un langage néo-classique le moment emblématique où le roi Louis IX (Saint Louis), prêt à s’embarquer pour la Septième croisade en 1248, confie de nouveau la régence du royaume à sa mère, Blanche de Castille. La scène est construite comme une allégorie du pouvoir partagé : Blanche, assise avec majesté, tend la main pour recevoir un sceptre doré que lui remet son fils vêtu de la chape fleurdelisée. Autour d’eux, le peintre introduit une série de figures féminines et ecclésiastiques, renforçant l’idée de légitimité et d’un pouvoir transmis dans la paix. Bien qu’anachronique dans son style, cette représentation exprime la reconnaissance durable du rôle politique de Blanche dans la mémoire monarchique. En s’inspirant de cette scène, Vien donne à voir la régente non comme une suppléante passive, mais comme la garante légitime de l’ordre capétien.
Sources :
Base Joconde – Ministère de la Culture
➤ Fiche officielle de l’œuvre (inv. MTC 1811.1.6)
Catalogue du Musée des Beaux-Arts d’Angers (section Peintures du XVIIIᵉ siècle)
Sophie Harent, Blanche de Castille, l'exercice du pouvoir

"Blanche de Castille enseignant à Saint Louis" – Vitrail de la collégiale Notre-Dame de Poissy
Collégiale Notre-Dame, Poissy (Yvelines) – baie axiale du chœur
Détail iconographique, vitrail du XIIIe siècle, attribué aux maîtres verriers d’Île-de-France
Ce vitrail, situé dans la collégiale Notre-Dame de Poissy — lieu de naissance de Louis IX — offre une représentation précieuse de l’éducation royale au Moyen Âge. On y voit Blanche de Castille, couronnée et assise en position d’autorité, instruisant son jeune fils Louis, agenouillé devant elle et recevant un manuscrit sacré. La scène se déroule sous la bénédiction d’un prélat, soulignant l’alliance de la monarchie et de l’Église dans la formation spirituelle du roi. Cette iconographie rare témoigne du rôle éducatif central joué par la reine dans la construction de la figure du roi chrétien. Elle met en lumière la maternité politique de Blanche, dont l’influence dépasse le cadre familial pour s’inscrire dans l’histoire de la gouvernance monarchique.
Sources :
Base Palissy – Ministère de la Culture (Mobilier classé Monument historique)
➤ Dossier sur la collégiale de Poissy
➤ [Détail du vitrail dans les notices scientifiques de la DRAC Île-de-France]
Études iconographiques dans :
Béatrice Fraenkel et Michel Pastoureau (dir.), La fabrique de l’enfance : Enfants et jeunes dans les représentations du Moyen Âge, éditions EHESS, 2012
Sylvie Bépoix, Les reines capétiennes au miroir des vitraux, article dans Médiévales, n°56, 2009 (Cairn)

"Naissance du futur Saint Louis" – Enluminure des Grandes Chroniques de France
Bibliothèque nationale de France (BnF), Département des Manuscrits, Manuscrit Français 2813, folio 265r
XIVe siècle, Paris. Auteur anonyme, enluminure commandée pour Charles V.
Cette enluminure extraite des Grandes Chroniques de France représente la scène de la naissance de Louis IX, fils de Louis VIII et de Blanche de Castille. La composition met en scène Blanche alitée sous un riche drap orné de fleurs de lys, emblème capétien, tandis qu’une sage-femme présente l’enfant à un groupe de femmes de cour. Cette image rare transmet une scène privée dans un cadre royal, valorisant l’origine sacrée du futur roi saint. L'iconographie insiste sur la continuité dynastique, avec Blanche incarnant déjà la maternité politique au cœur du projet capétien. Le traitement décoratif du fond, à semis d’hermines, et la solennité de la scène participent à sacraliser cet événement fondateur pour la monarchie.
Sources :
Bibliothèque nationale de France, Gallica
➤ Lien vers le manuscrit BnF Français 2813, folio 265r
➤ Notice du manuscrit : Grandes Chroniques de France de Charles V, XIVe siècle
Études dans :
Bernard Guenée, Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, Paris, Le Seuil, 1980
Anne D. Hedeman, The Royal Image: Illustrations of the Grandes Chroniques de France, 1274–1422, University of California Press, 1991

"Psautier de Saint Louis et Blanche de Castille – Domine exaudi orationem meam"
Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque de l’Arsenal, Ms. 1186, fol. 122v
Vers 1218, Paris. Anonyme. Enluminure sur parchemin, hauteur : 28 cm ; largeur : 20 cm.
Ce feuillet enluminé du Psautier de Blanche de Castille et de Saint Louis illustre l’ouverture du psaume 101, « Domine exaudi orationem meam », dans une lettrine historiée. Blanche de Castille y est figurée agenouillée en prière, les mains jointes devant un autel surmonté d’une croix, tandis qu’un Christ en gloire lui apparaît dans un médaillon supérieur. Cette représentation met en lumière la dimension spirituelle du pouvoir exercé par Blanche, dont la ferveur religieuse était au cœur de son autorité politique. L’image témoigne également de l’usage du livre de psaumes dans la dévotion royale et familiale, et reflète une part de l’éducation religieuse qu’elle transmit à son fils, le futur Louis IX. Le style, typique des ateliers parisiens du premier tiers du XIIIe siècle, est caractérisé par des drapés fluides, un encadrement soigné et l’usage abondant de l’or.
Sources :
Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque de l’Arsenal
➤ Lien vers le manuscrit Ms. 1186, f. 122v
➤ Notice du manuscrit : Psautier de Saint Louis et Blanche de Castille, Paris, vers 1218
Étude citée dans :
François Avril, Nicole Reynaud, Les manuscrits à peintures en France 1140-1220, Paris, BnF, 1993
Claire Richter Sherman, Imagining the Course of Life: Self-Transformation in a Medieval Woman’s Book, University of Michigan Press, 1996

"Tombeau de Blanche de Castille à Maubuisson"
Abbaye de Maubuisson, Saint-Ouen-l'Aumône – Photographie conservée à la Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EI-13 (2865)
Prise de vue datée du 14 mars 1930
Agence Meurisse, référence : 74579 A
Lien Gallica : ark:/12148/btv1b9048197
Cette photographie en noir et blanc témoigne de l’état du tombeau de Blanche de Castille au début du XXe siècle, situé dans l’abbaye cistercienne de Maubuisson qu’elle fonda en 1236. Désirant être inhumée dans un lieu de recueillement qu’elle avait elle-même consacré à la prière et à la mémoire dynastique, Blanche choisit Maubuisson comme dernière demeure. Le site, partiellement ruiné, fut l’un des centres spirituels du pouvoir capétien féminin. Le cliché, conservé dans la collection de l’Agence Meurisse, montre la simplicité du lieu dans un environnement arboré, évoquant l’effacement progressif de la souveraine derrière la figure du saint roi qu’elle forma.

Abbaye de Maubuisson
Saint-Ouen-l'Aumône (Val-d’Oise) – Façade sud-est
Photographie : © CDVO / Catherine Brossais, 25 juillet 2019
Source : Wikimedia Commons – Lien vers le fichier
Fondée en 1241 par Blanche de Castille, l’abbaye royale cistercienne de Maubuisson devint l’un des grands centres spirituels féminins du royaume capétien. La reine y associa sa piété à une stratégie politique d’ancrage territorial, en confiant sa direction à une abbesse de son entourage (Alix de Macon). Elle en fit sa résidence de retraite et son lieu de sépulture. Cette vue contemporaine de la façade sud-est montre la sobriété et l’élégance de l’architecture cistercienne, préservée malgré les transformations du temps. Lieu de mémoire et d’histoire, Maubuisson illustre la manière dont Blanche inscrivit son autorité dans la pierre, entre foi et pouvoir.
Blibliographie
CHAPITRE 01 – Introduction
Ouvrages académiques
Pernoud, R. (1980). Les femmes au temps des cathédrales. Paris: Stock.
Portrait moral et spirituel de Blanche, rôle religieux et éthique des femmes de pouvoir.
Gallica (Stock, 1980)
Le Goff, J. (1996). Saint Louis. Paris: Gallimard.
Influence maternelle de Blanche ; citation célèbre : « Je préférerais te savoir mort que pécheur ».
Gallica (extraits)
Vincent, C. (dir.). (2006). Femmes et pouvoir au Moyen Âge. Paris: CNRS Éditions.
Analyse de la régence comme forme de pouvoir féminin, dimension religieuse.
OpenEdition / Cairn
Lett, D. (2008). Les usages de la régence dans la monarchie capétienne. Médiévales, (55), 71–90.
Légitimation de la régence féminine au XIIIᵉ siècle.
OpenEdition
Articles scientifiques
Richard, J. (1977). Blanche de Castille et la régence royale (1226–1234). Annales ESC, 32(6), 1225–1246.
Analyse des premières années de régence et réaction des barons.
Persée
CHAPITRE 02 – Contexte historique et dynastique
Sources primaires
Grandes Chroniques de France, Manuscrit Latin 7780. Bibliothèque nationale de France.Récits contemporains de la régence, perception royale.
Gallica
Articles & Ouvrages
Aurell, M. (2010). L’union de Blanche de Castille et Louis VIII dans la politique d’Aliénor d’Aquitaine. In Aliénor d’Aquitaine et les femmes de pouvoir au XIIᵉ siècle.Lecture diplomatique du mariage franco-castillan. OpenEdition
Soria-Audebert, M. (2014). La figure de Blanche de Castille dans les Grandes Chroniques de France. HAL-SHS. Représentation genrée et narration politique. HAL-SHS
Vincent, C. (2006). Femmes et pouvoir au Moyen Âge, op. cit. Continuité d’analyse sur les femmes-régentes.
Lett, D. (2008). Les usages de la régence, op. cit. Construction du modèle régent féminin dans la monarchie.
CHAPITRE 03 – Manifestations du pouvoir
Ouvrages & Articles
Richard, J. (1977). Blanche de Castille, op. cit. Révoltes nobiliaires, diplomatie, politique intérieure.
Léonard, M. (2012). L’image politique de Blanche dans les manuscrits enluminés. Médiévales, (63), 89–108. Iconographie de la régente dans les Bibles moralisées.OpenEdition
Pastoureau, M. (1997). Tapisseries, propagande et image dynastique au XIIIe siècle. In Figures de la royauté. Construction symbolique du pouvoir royal par l’image. OpenEdition / BU
Le Goff, J. (1996). Saint Louis, op. cit. Éducation et spiritualité royale.
Sources documentaires
Actes royaux de Blanche de Castille. Archives nationales de France. Documents juridiques, sceaux, décisions politiques. Archives nationales – inventaire série J
Sigilla – IRHT. Notice sur le sceau de Blanche de Castille.- Sigilla
CHAPITRE 04 – Anecdotes et récits emblématiques
Sources primaires
Chroniques de Guillaume de Nangis. Gallica, BnF. Gallica Grandes Chroniques de France, manuscrit Latin 7780, op. cit.
Articles & Études
Guyot jeannin, O. (2009). Hugues X de Lusignan et la révolte de 1227. Bibliothèque de l’École des chartes. Politique de Blanche face aux révoltes. Gallica
Gauvard, C. (2003). Les reines régentes et les abbayes : lieux de pouvoir féminin ? Médiévales, (45), 121–140. Réseaux monastiques et autorité féminine. OpenEdition
Archives nationales – Inventaire après décès de Blanche de Castille. Données sur les fondations religieuses, legs spirituels. Archives nationales – Série J
Vincent, C. et Le Goff, J. : Femmes et pouvoir, Saint Louis, op. cit.
CHAPITRE 05 – Conclusion
Articles académiques
Lett, D. (2008). Les usages de la régence, op. cit. Fonction de continuité dynastique.
Vincent, C. (2006). Femmes et pouvoir au Moyen Âge, op. cit. Synthèse sur la postérité politique de Blanche.
Viennot, É. (2010). L’exercice féminin du pouvoir au XIIIe siècle. HAL-SHS. Analyse transversale du pouvoir exercé par les femmes. HAL
Léonard, M. (2015). La mémoire capétienne et l’image de Blanche. Revue d’histoire médiévale. Construction posthume d’une figure politique. JSTOR / OpenEdition
Richard, J. (1977). Blanche de Castille, conclusion. Blanche comme modèle de gouvernance.
Richard, J. (1977). Blanche de Castille et la régence royale (1226–1234). Annales ESC, 32(6), 1225–1246. Persée
Pernoud, R. (1980). Les femmes au temps des cathédrales. Paris : Stock.
Le Goff, J. (1996). Saint Louis. Paris : Gallimard.
Vincent, C. (2006). Femmes et pouvoir au Moyen Âge. Paris : CNRS Éditions.
Lett, D. (2008). Les usages de la régence dans la monarchie capétienne. Médiévales, (55), 71–90. OpenEdition
Viennot, É. (2010). L’exercice féminin du pouvoir au XIIIe siècle. HAL-SHS. HAL
Aurell, M. (2010). L’union de Blanche de Castille et Louis VIII dans la politique d’Aliénor d’Aquitaine. In Aliénor d’Aquitaine et les femmes de pouvoir au XIIe siècle. OpenEdition
Pastoureau, M. (1997). Tapisseries, propagande et image dynastique au XIIIe siècle. In Figures de la royauté.
Gauvard, C. (2003). Les reines régentes et les abbayes : lieux de pouvoir féminin ? Médiévales, (45), 121–140. OpenEdition
Guyot jeannin, O. (2009). Hugues X de Lusignan et la révolte de 1227. Bibliothèque de l’École des chartes.
Léonard, M. (2012). L’image politique de Blanche dans les manuscrits enluminés. Médiévales, (63), 89–108. OpenEdition
Soria-Audebert, M. (2014). La figure de Blanche de Castille dans les Grandes Chroniques de France. HAL-SHS. HAL
Sources primaires et archives
Grandes Chroniques de France, Manuscrit Latin 7780. Bibliothèque nationale de France. Gallica
Guillaume de Nangis. Chroniques. Bibliothèque nationale de France. Gallica
Actes royaux de Blanche de Castille. Archives nationales – Série J. Archives Nationales
Inventaire après décès de Blanche de Castille. Archives nationales.
Sigilla – Notice sur le sceau de Blanche de Castille. sigilla.irht.cnrs.fr
Mentions informelles
Michel Pastoureau – pour l’iconographie monarchique et les codes symboliques dans les manuscrits.
Myriam Soria-Audebert – image de Blanche dans la narration royale.
Monique Léonard – rôle maternel et transmission du pouvoir dans les manuscrits.
Catherine Vincent – études croisées sur l’autorité féminine.
Claude Gauvard – position des reines dans le pouvoir monastique.
Martin Aurell – analyse diplomatique du mariage avec Louis VIII.
Éliane Viennot – figures féminines et pouvoir politique.
Glossaire
🅐
Abbaye : Monastère dirigé par un abbé ou une abbesse. Les abbayes jouent un rôle religieux, politique et social majeur au Moyen Âge. Blanche de Castille patronna plusieurs abbayes féminines cisterciennes.
Aliénor d’Aquitaine : Grand-mère de Blanche, reine de France puis d’Angleterre, modèle de femme de pouvoir au XIIᵉ siècle.
🅑
Barons : Seigneurs féodaux puissants, souvent rivaux du roi. Plusieurs barons se révoltèrent contre la régence de Blanche.
Bible moralisée : Manuscrit enluminé alliant texte biblique et commentaires moraux, destiné à l’instruction des rois. Blanche en fit réaliser un pour son fils Louis IX.
Blanche de Castille : Reine de France et régente de 1226 à 1234 et de 1248 à 1252. Mère de Saint Louis, elle incarne le pouvoir féminin au Moyen Âge.
🅒
Capétienne (dynastie) : Maison royale fondée par Hugues Capet en 987. Blanche renforça cette dynastie par son action politique.
Castille : Royaume médiéval d’Espagne dont Blanche était issue. Son origine étrangère fut longtemps un facteur de méfiance en France.
Clergé : Ensemble des membres de l’Église. Le soutien du clergé fut essentiel à la régence de Blanche.
🅓
Donation : Acte juridique par lequel un souverain cède des biens, souvent à l’Église. Nombreuses donations de Blanche figurent dans les actes royaux.
Dynastie : Suite de souverains issus d’une même famille. Blanche assura la continuité de la dynastie capétienne.
🅔
Éducation princière : Formation religieuse, morale et politique des jeunes héritiers royaux. Blanche fut très impliquée dans celle de Louis IX.
Église : Institution religieuse dominante au Moyen Âge. Elle joua un rôle capital dans la légitimation de la régence de Blanche.
🅕
Féodalité : Système de pouvoir médiéval fondé sur les liens entre seigneurs et vassaux. Blanche dut s’opposer à plusieurs féodaux récalcitrants.
Fleur de lys : Symbole héraldique de la royauté française, souvent représenté sur les sceaux et vêtements de Blanche.
🅖
Garde royale : Corps de soldats chargé de la protection du roi. Blanche la renforça après l’enlèvement de Louis IX.
🅗
Henri III d’Angleterre : Roi d’Angleterre contemporain de Blanche. Il intervint militairement en France durant sa régence.
Hérésie : Doctrine religieuse condamnée par l’Église. Blanche mit fin à la guerre contre les Albigeois, considérés comme hérétiques.
🅘
Iconographie : Étude des représentations visuelles. L’iconographie de Blanche souligne son autorité morale et royale.
Innocent IV : Pape entre 1243 et 1254, correspondant diplomatique de Blanche. Il soutint la régence face aux rébellions.
Investiture : Cérémonie d’attribution d’un titre ou d’un office. Blanche présida de nombreuses investitures pendant la minorité de Louis IX.
🅙
Joinville (Jean de) : Chroniqueur de la vie de Saint Louis. Il rapporte des paroles célèbres de Blanche à son fils.
🅛
Loi salique : Règle de succession excluant les femmes du trône, appliquée plus tard. Au XIIIᵉ siècle, les femmes peuvent être régentes, mais non reines régnantes.
Louis VIII : Époux de Blanche, roi de France de 1223 à 1226. Il la désigna régente avant sa mort.
Louis IX (Saint Louis) : Fils de Blanche, roi de France de 1226 à 1270. Sa piété et sa justice furent fortement influencées par l’éducation maternelle.
🅜
Maubuisson (abbaye) : Monastère cistercien fondé par Blanche en 1236. Elle y fut inhumée après sa mort.
Marguerite de Provence : Belle-fille de Blanche, épouse de Louis IX. Les relations entre les deux femmes furent parfois tendues.
Minorité royale : Période pendant laquelle un roi est trop jeune pour régner. Blanche gouverna durant celle de son fils Louis.
🅝
Nangis (Guillaume de) : Moine chroniqueur du XIIIᵉ siècle, témoin de la régence de Blanche et des événements de son époque.
🅞
Ordonnance : Acte législatif royal. Blanche signa plusieurs ordonnances durant sa régence.
Ordre cistercien : Ordre monastique austère soutenu par Blanche. Elle fonda plusieurs abbayes féminines cisterciennes.
🅟
Papauté : Autorité religieuse suprême de l’Église catholique. Blanche négocia souvent avec les papes pour asseoir son autorité.
Pastoureaux : Groupes populaires rebelles apparus en 1251. Blanche réprima leur soulèvement.
Pierre Mauclerc : Duc de Bretagne et principal adversaire politique de Blanche pendant sa régence.
🅡
Régence : Exercice du pouvoir au nom d’un roi mineur ou absent. Blanche exerça deux régences, en 1226–1234 puis en 1248–1252.
Raymond VII de Toulouse : Comte ayant signé le traité de Paris avec Blanche, mettant fin à la croisade albigeoise.
🅢
Sceau royal : Emblème officiel apposé sur les actes royaux. Blanche utilisa un sceau la représentant en majesté.
Sainteté royale : Idéal d’un roi pieux et juste, incarné par Louis IX, éduqué par Blanche.
Sainte-Chapelle : Chapelle palatine fondée par Louis IX, où figure l’image de Blanche dans les vitraux.
🅣
Traité de Paris (1229) : Accord entre Blanche et Raymond VII, qui mit fin à la croisade albigeoise et rattacha Toulouse au royaume.
Thibaut de Champagne : Comte révolté contre la régente, que Blanche rallia par habileté politique.
🅥
Vitrail : Fenêtre colorée utilisée dans les édifices religieux. Des représentations de Blanche figurent dans plusieurs vitraux du XIIIᵉ siècle.
Vœu de croisade : Engagement religieux pris par un roi ou une reine. Louis IX part en croisade en 1248, contre l’avis de sa mère.
Acteurs
Famille de Blanche de Castille
Alphonse VIII de Castille (1155–1214)
Père de Blanche. Roi de Castille, il règne sur une partie de l’Espagne chrétienne en pleine Reconquista. Son alliance avec Aliénor d’Aquitaine par le mariage de leur fille Blanche à Louis VIII renforce les liens diplomatiques avec la France.
Aliénor d’Angleterre (1162–1214)
Mère de Blanche. Fille d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri II Plantagenêt, elle transmet à Blanche une double ascendance royale anglo-française. Elle joue un rôle actif dans l’éducation de ses filles selon les usages de la cour Plantagenêt.
Louis VIII le Lion (1187–1226)
Époux de Blanche. Roi de France de 1223 à 1226. Avant son avènement, il mène une expédition en Angleterre à l’appel des barons révoltés. Il meurt prématurément, laissant Blanche régente pour leur fils Louis IX.
Louis IX (Saint Louis) (1214–1270)
Fils de Blanche, roi de France dès l’âge de 12 ans. Il devient un roi modèle de piété, de justice et de croisade. L’influence éducative de Blanche est déterminante dans la formation de son règne et de sa personnalité.
Charles d’Anjou (1227–1285)
Fils cadet de Blanche. Roi de Sicile et fondateur de la dynastie capétienne d’Italie méridionale. Il doit à sa mère une partie de son ascension, notamment par le mariage arrangé avec l’héritière de Provence.
Marguerite de Provence (1221–1295)
Belle-fille de Blanche, épouse de Louis IX. Reine très pieuse et cultivée, elle entretient des relations tendues avec sa belle-mère, qui cherche à garder l’ascendant sur son fils même après son mariage.
Alliés et figures favorables à Blanche
Aliénor d’Aquitaine (v. 1122–1204)
Grand-mère maternelle de Blanche. Reine de France puis d’Angleterre, elle arrange le mariage de Blanche avec Louis VIII. Elle sert de modèle historique de femme de pouvoir à sa petite-fille.
Thibaut IV de Champagne (1201–1253)
Comte de Champagne, poète et troubadour. Initialement hostile à Blanche, il se rallie à elle grâce à sa diplomatie. Surnommé « Thibaut le Chansonnier », il devient l’un des soutiens du jeune roi.
Raymond VII de Toulouse (1197–1249)
Comte de Toulouse. Longtemps opposé à la couronne lors de la croisade contre les Albigeois, il conclut la paix avec Blanche par le traité de Paris (1229). Son alliance scelle la réintégration du Midi au domaine royal.
Le pape Grégoire IX (c. 1170–1241)
Soutien spirituel et diplomatique de Blanche. Il confirme son autorité en tant que régente et intervient dans plusieurs crises politiques, notamment lors de la réforme de l’Université de Paris.
Le cardinal Romano Frangipani (mort en 1230)
Légat du pape en France, il soutient activement la régence de Blanche. Il contribue à la légitimation ecclésiastique de son gouvernement.
Ennemis ou opposants politiques
Pierre Mauclerc (c. 1190–1250)
Duc de Bretagne et principal opposant de Blanche. Il participe à l’enlèvement de Louis IX en 1227 et mène plusieurs révoltes féodales. Battu militairement et isolé diplomatiquement, il se soumet à Blanche en 1234.
Philippe Hurepel (v. 1201–1234)
Fils illégitime de Philippe Auguste, demi-frère de Louis VIII. Il conteste la régence de Blanche dès 1226 et tente de s’imposer politiquement comme alternative masculine au pouvoir féminin.
Hugues X de Lusignan (v. 1182–1249)
Comte de La Marche. Marié à Isabelle d’Angoulême, il défie le pouvoir capétien dans l’Ouest. Il est un allié intermittent de Pierre Mauclerc et reçoit l’appui d’Henri III d’Angleterre.
Henri III d’Angleterre (1207–1272)
Roi d’Angleterre à partir de 1216. Il tente de profiter de la régence de Blanche pour reprendre pied en France, notamment en Bretagne. Il échoue face à la résistance stratégique de Blanche.
Le Maître de Hongrie (nom inconnu)
Chef charismatique du mouvement des Pastoureaux en 1251. Prétendant avoir reçu une mission divine, il mène des milliers de paysans dans une fausse croisade, que Blanche réprime fermement.
Personnalités religieuses, lettrées et administratives
Jean de Joinville (c. 1225–1317)
Chroniqueur et biographe de Saint Louis. Il rapporte plusieurs paroles célèbres de Blanche et offre un témoignage précieux sur la vie morale et religieuse à la cour capétienne.
Guillaume de Nangis (mort en 1300)
Moine chroniqueur de l’abbaye de Saint-Denis. Il documente plusieurs épisodes du règne de Louis IX et de la régence de Blanche, notamment la révolte des Pastoureaux.
Alix de Macon (dates inconnues)
Cousine de Blanche et abbesse de Maubuisson. Elle dirige cette abbaye fondée par Blanche, renforçant le lien politique entre la cour royale et les institutions monastiques féminines.
Chronologie

Chiffres marquants – Blanche de Castille
1188
Année de naissance de Blanche de Castille dans le royaume de Castille, à Palencia.
1200
Année de son mariage avec le prince Louis (futur Louis VIII), célébré à Port-Mort, en Normandie.
10 enfants
Nombre d’enfants que Blanche a eus avec Louis VIII. Plusieurs sont morts en bas âge. Parmi eux : Louis IX (futur Saint Louis) et Charles d’Anjou.
1226
Mort de Louis VIII. Blanche devient régente du royaume pour son fils Louis IX, âgé de seulement 12 ans.
1226–1234
Durée de la première régence de Blanche de Castille : 8 années de gouvernement sans roi majeur, dans un contexte de menaces féodales et d’instabilité politique.
1227
Tentative d’enlèvement de Louis IX à l’âge de 13 ans, épisode crucial qui révèle la résistance populaire en faveur de Blanche.
1234
Fin officielle de la régence. Louis IX atteint la majorité à 20 ans, mais Blanche reste très influente au Conseil royal.
1248–1252
Seconde régence assurée par Blanche pendant la septième croisade, soit 4 années supplémentaires de pouvoir effectif.
27 novembre 1252
Date de décès de Blanche, à l’âge de 64 ans, après près de 26 années cumulées d’autorité active sur le royaume.
1229
Signature du traité de Paris (ou de Meaux) avec Raymond VII de Toulouse, qui met fin à 20 ans de guerre dans le Languedoc.
3 grandes abbayes
Blanche fonde ou patronne : Royaumont (1228), Maubuisson (1236) et Le Lys (1244). Ce réseau religieux renforce le pouvoir capétien.
Plus de 200 actes royaux
Émis ou contresignés par Blanche pendant sa régence, selon les archives nationales (série J). Ils concernent la justice, les finances, les nominations et la diplomatie.
1 Bible moralisée
Manuscrit de plus de 1 000 miniatures, probablement commandé par Blanche pour l’instruction de son fils, conservé partiellement à la BnF (MS français 167).
1 sceau royal
Sceau officiel de Blanche de Castille : elle y apparaît debout, couronnée, tenant une fleur de lys, entourée d’armoiries capétiennes. Il fut utilisé sur des dizaines d’actes royaux entre 1226 et 1252.
1 tentative d’invasion anglaise
Menée par Henri III d’Angleterre en 1230, repoussée par Blanche sans combat décisif, grâce à une stratégie d’usure.
1 révolte mystique
En 1251, la révolte des Pastoureaux mobilise des milliers de paysans en route vers la Terre sainte. Blanche fait disperser le mouvement.
FAQ – Blanche de Castille
Q1 : Quand et où est née Blanche de Castille ?
R1 : Blanche est née en 1188 à Palencia, en Espagne.
Q2 : Quand et où s’est-elle mariée ?
R2 : Elle s’est mariée le 23 mai 1200 à Port-Mort, en Normandie, avec Louis, futur Louis VIII.
Q3 : Combien d’enfants Blanche de Castille a-t-elle eus ?
R3 : Elle a eu 10 enfants, dont Louis IX (Saint Louis) et Charles d’Anjou.
Q4 : Qui était Pierre Mauclerc ?
R4 : Pierre Mauclerc était duc de Bretagne, principal adversaire de Blanche, impliqué notamment dans la tentative d’enlèvement de Louis IX en 1227.
Q5 : Qu’est-ce que la révolte des Pastoureaux sous Blanche de Castille ?
R5 : La révolte des Pastoureaux (1251) était une insurrection populaire, réprimée fermement par Blanche.
Q6 : Comment Blanche de Castille a-t-elle repoussé l’invasion anglaise d’Henri III ?
R6 : Blanche utilisa principalement la diplomatie et une stratégie d’usure, sans combat décisif, neutralisant ainsi les ambitions anglaises en 1230.