Les jardins médiévaux : symbolisme et utilité
- Ivy Cousin
- 17 févr.
- 57 min de lecture

Résumé
Les jardins médiévaux ne se limitaient pas à de simples espaces de culture : ils étaient le reflet d’un savoir-faire structuré, alliant symbolisme religieux, utilité économique et organisation rigoureuse. Présents dans les monastères, les châteaux seigneuriaux et les villes, ils répondaient à des besoins variés : production alimentaire, médecine, méditation spirituelle et représentation du pouvoir.
Les jardins monastiques, influencés par la règle bénédictine et le Capitulare de Villis de Charlemagne, étaient divisés en trois espaces principaux :
L’hortus (potager) fournissant légumes et herbes aromatiques,
L’herbularius (jardin médicinal), où étaient cultivées des plantes aux vertus thérapeutiques,
Le verger ou viridarium, mêlant arbres fruitiers et végétaux symboliques.
Les jardins seigneuriaux et princiers, quant à eux, étaient à la fois des espaces utilitaires et des lieux d’agrément. Inspirés des jardins courtois décrits dans le Roman de la Rose, ils étaient soigneusement aménagés avec fontaines, treilles et allées symétriques, illustrant le raffinement et la puissance de leurs propriétaires.
En milieu urbain, les jardins étaient souvent de taille réduite, intégrés aux maisons ou situés aux abords des remparts. Ils servaient principalement à la culture vivrière et jouaient un rôle dans l’économie locale, notamment grâce aux ceintures maraîchères qui entouraient les villes.
Au-delà de leur fonction matérielle, les jardins médiévaux étaient chargés de symbolisme religieux. Le hortus conclusus, jardin clos évoquant le Paradis et la pureté de la Vierge Marie, est une représentation emblématique de cette époque. Dans l’iconographie et la littérature, ces jardins étaient perçus comme des espaces d’ordre et d’harmonie, où chaque plante possédait une signification spirituelle.
Grâce aux traités d’agronomie médiévaux, comme le Liber Ruralium Commodorum de Pierre de Crescens, l’aménagement et l’entretien des jardins suivaient des principes précis, intégrant des techniques d’irrigation avancées et une organisation méthodique des cultures.
L’héritage de ces jardins se retrouve aujourd’hui dans certains sites restaurés, témoignant du savoir horticole et spirituel du Moyen Âge. Ce patrimoine, à la fois fonctionnel et symbolique, illustre une relation unique entre l’homme et la nature, où le travail de la terre était aussi un acte de foi et de transmission des savoirs.
L'article
Les jardins médiévaux ne se limitaient pas à de simples espaces de culture : ils incarnaient une organisation savante où se mêlaient savoirs botaniques, nécessités économiques et symbolique spirituelle.
Monastiques, seigneuriaux ou urbains, ils répondaient à des impératifs précis, reflétant une vision du monde où l’ordre naturel s’inscrivait dans une conception théologique et sociale rigoureuse.
Afin d’approfondir les notions abordées, un glossaire accompagne cet article pour clarifier les termes spécifiques, ainsi qu’une bibliographie détaillée recensant les principales sources et études sur le sujet.
Introduction
Au cœur du paysage médiéval, les jardins occupaient une place centrale, tant dans la vie quotidienne que dans l’imaginaire collectif. Qu’ils soient monastiques, seigneuriaux ou urbains, ces espaces ne se limitaient pas à de simples lieux de culture vivrière. Ils étaient le reflet d’une organisation rigoureuse, d’un savoir transmis et enrichi par les siècles, ainsi que d’une vision du monde où la nature et l’homme s’accordaient dans un équilibre subtil. Dès le haut Moyen Âge, ils héritèrent des traditions antiques et monastiques, structurant ainsi un art horticole qui marqua durablement l’histoire paysagère française.
La présence des jardins dans les monastères fut essentielle à leur préservation et à leur évolution. Dès l’époque carolingienne, Charlemagne réglementa leur organisation dans son Capitulare de Villis, un texte législatif énumérant les plantes devant être cultivées sur les domaines impériaux. Il y précisait la nécessité de jardins clos, où devaient être entretenues des plantes médicinales, des légumes et des arbres fruitiers. Ce modèle se retrouva dans les abbayes bénédictines et cisterciennes, qui firent du jardin un élément essentiel de leur vie communautaire. À l’abbaye de Saint-Gall, en Suisse, un plan du IXe siècle témoigne de l’organisation minutieuse des espaces verts : un hortus conclusus dédié aux plantes médicinales, un verger, un potager et des zones d’agrément. Ce cloisonnement répondait non seulement à des besoins alimentaires et médicinaux, mais aussi à une symbolique spirituelle forte. Saint Bernard de Clairvaux, dans ses écrits, évoquait le jardin du monastère comme un espace où la nature ordonnée reflétait la perfection divine, à l’image de l’Éden biblique.
Dans les domaines seigneuriaux, les jardins s’inscrivaient dans une dynamique différente. Destinés autant au loisir qu’à la production, ils se situaient à proximité des châteaux et adoptaient une structure géométrique marquée par des parterres bordés de haies ou de palissades. On y trouvait souvent un verger et des espaces d’agrément où la noblesse venait se détendre. La littérature courtoise du XIIe siècle, notamment le Roman de la Rose, en fait un décor récurrent des intrigues amoureuses, décrivant des lieux clos où la nature domptée servait de cadre aux échanges galants. Cette conception du jardin comme espace de plaisir se retrouve également dans les représentations iconographiques, comme celles des tapisseries de La Dame à la Licorne, où l’enclos fleuri symbolise un univers à la fois intime et enchanteur.
En milieu urbain, le jardin avait une fonction avant tout utilitaire. Les espaces réduits contraignaient les habitants à aménager de petits jardins clos à proximité des maisons. Les documents cadastraux du XIVe siècle montrent qu’à Paris, à Aix-en-Provence ou encore à Senlis, chaque demeure possédait un espace cultivé, souvent appelé courtil ou hortus parvus. Ces jardins servaient à la culture de légumes et d’herbes médicinales, mais aussi à l’élevage de petits animaux. Dans certains cas, ils se prolongeaient jusqu’aux remparts des villes, formant une ceinture maraîchère essentielle à l’approvisionnement des marchés urbains. L’ordonnance du prévôt de Paris en 1472 témoigne de leur importance, réglementant leur accès et leur usage afin de préserver ces précieuses zones vertes.
Au-delà de leur fonction pratique, les jardins médiévaux étaient chargés de symboles. Dans l’iconographie religieuse et les textes théologiques, ils représentaient à la fois l’Éden perdu et l’harmonie céleste. L’hortus conclusus, jardin clos par excellence, était souvent associé à la Vierge Marie, pure et préservée du monde extérieur. Les enluminures des manuscrits médiévaux, comme celles du Bréviaire de Belleville, montrent fréquemment la Vierge dans un jardin foisonnant de lys et de roses, témoignant de cette lecture allégorique. La symbolique du jardin se retrouve également dans la liturgie et les rituels chrétiens. Ainsi, certains cimetières médiévaux étaient conçus comme des vergers, leur organisation reflétant une vision où la nature accompagnait le cycle de la vie et de la mort.
L’agencement des jardins médiévaux répondait à une organisation savante, dictée par des traités d’agronomie qui circulaient parmi les élites lettrées. Pierre de Crescens, dans son Liber Ruralium Commodorum rédigé au XIIIe siècle, détaillait les méthodes de culture et les principes d’implantation des jardins. Il recommandait notamment une disposition carrée, privilégiant les alignements rectilignes pour une meilleure gestion de l’espace et de l’irrigation. Les jardins monastiques et seigneuriaux appliquaient souvent ces préceptes, intégrant des systèmes d’irrigation rudimentaires à l’aide de canaux et de rigoles, comme en témoignent les vestiges retrouvés dans certains sites archéologiques.
La transition vers la fin du Moyen Âge et le début de la Renaissance marqua une évolution des conceptions du jardin. L’influence italienne se fit progressivement sentir, avec l’introduction de nouvelles espèces et une organisation plus ornementale des espaces verts. Toutefois, l’héritage médiéval subsista dans de nombreux aspects, notamment dans la persistance des jardins clos et des vergers monastiques, dont certains perdurent encore aujourd’hui.
Les jardins médiévaux, loin d’être de simples espaces fonctionnels, étaient donc des lieux à la croisée du sacré et du quotidien, du travail et du repos, du privé et du collectif. Ils témoignaient d’un rapport particulier entre l’homme et la nature, où l’organisation spatiale et la diversité végétale répondaient à des besoins à la fois matériels et spirituels. En France, cet héritage se retrouve dans l’aménagement de nombreux jardins historiques, qui portent encore la trace de cette organisation rigoureuse et de cette vision du monde façonnée par les siècles.
Les jardins médiévaux s’inscrivent dans une tradition plus vaste, héritée des savoirs antiques et façonnée par les besoins de la société médiévale. Leur développement en Europe occidentale résulte d’une synthèse entre les pratiques agricoles romaines, l’organisation monastique et les exigences des seigneuries et des bourgs en pleine expansion. Structurés selon des principes à la fois pratiques et spirituels, ils se déploient dans des cadres variés, des cloîtres monastiques aux jardins castraux, en passant par les vergers paysans et les enclos urbains. Leur conception est fortement influencée par les écrits théologiques et agronomiques médiévaux, qui en font non seulement des lieux de production et de repos, mais aussi des espaces symboliques où l’ordre divin se reflète dans l’agencement de la nature. Pour mieux comprendre l’émergence et la diffusion de ces jardins, il convient d’examiner leur contexte historique et géographique, en retraçant leurs origines, leurs modalités d’implantation et les influences religieuses qui ont façonné leur organisation.
Contexte historique
01. Symbolisme et représentation du monde médiéval dans l’espace du jardin
02. Fonctionnalités et usages pratiques des jardins médiévaux
03. Organisation et typologie des jardins médiévaux
04. Héritage et influences sur les jardins post-médiévaux
Conclusion
Les jardins médiévaux n’étaient pas de simples espaces de culture et de détente, mais des lieux où s’articulaient des enjeux économiques, religieux et sociaux, inscrivant la nature dans un cadre ordonné et structuré. Leur organisation, issue d’un héritage antique enrichi par les apports monastiques et seigneuriaux, témoigne d’une volonté de maîtrise du vivant qui dépassait la seule nécessité agricole. À travers l’Occident médiéval, ces jardins répondaient à des impératifs précis, conciliant production vivrière, usages médicinaux et représentation du pouvoir, tout en étant porteurs d’une forte charge symbolique et spirituelle.
Dès le haut Moyen Âge, les monastères ont joué un rôle fondamental dans la préservation et la transmission des savoirs botaniques. En 812, Charlemagne, par le Capitulare de Villis, établit une liste de plantes devant être cultivées sur les domaines impériaux et monastiques, instituant ainsi une première régulation officielle de l’agriculture médiévale. Ce texte, qui recense près de soixante-dix espèces végétales, incluait des plantes alimentaires, médicinales et ornementales, illustrant l’organisation méthodique de ces espaces. À l’abbaye de Saint-Gall, au IXe siècle, un plan d’ensemble détaillé témoigne de cette structuration rigoureuse : un cloître central jouxté d’un herbularius réservé aux plantes médicinales, un hortus dédié aux légumes, et un verger à l’écart, où l’on cultivait pommiers, poiriers et cerisiers. L’organisation spatiale de ces jardins s’intégrait pleinement dans la vie monastique, répondant à la nécessité d’autosuffisance tout en incarnant une vision du monde où l’ordre divin se reflétait dans la maîtrise du végétal.
Dans les demeures seigneuriales et princières, les jardins revêtaient une fonction différente, souvent associée à la démonstration du prestige et de la puissance. Le Roman de la Rose, composé par Guillaume de Lorris au XIIIe siècle, décrit un jardin clos où la nature est aménagée à des fins esthétiques et symboliques, évoquant l’espace de sociabilité et de courtoisie propre aux résidences aristocratiques. Les sources archivistiques attestent également de cette dimension politique du jardin. En 1364, le roi Charles V ordonne l’aménagement de jardins à son château de Vincennes, insistant sur l’importance des plantations d’arbres fruitiers et la construction de pavillons d’agrément. Ce goût pour la nature maîtrisée se retrouve dans les grandes cours princières européennes, où les jardins deviennent des lieux de plaisir et de représentation, comme en témoigne la célèbre description du jardin du palais des ducs de Bourgogne à Hesdin en 1432, où Jean sans Peur fit installer des mécanismes hydrauliques et des fontaines sculptées.
Les jardins médiévaux ne se cantonnaient cependant pas aux seules sphères religieuses et seigneuriales. En milieu urbain, les documents cadastraux du XIVe siècle indiquent que chaque maison possédait un petit hortus parvus, souvent situé à l’arrière de l’habitation, où étaient cultivées des plantes alimentaires et médicinales. À Paris, le prévôt des marchands réglementa en 1472 l’entretien de ces espaces, précisant que les parcelles situées le long des remparts devaient être réservées aux cultures vivrières afin d’assurer l’approvisionnement en cas de siège. Ces jardins, bien que plus modestes, jouaient ainsi un rôle crucial dans l’organisation des villes médiévales, où la culture maraîchère était une nécessité pour la survie des populations.
Au-delà de leur diversité fonctionnelle, ces jardins étaient aussi porteurs d’une forte charge symbolique. La représentation du hortus conclusus, associée à la Vierge Marie, en est l’un des exemples les plus marquants. Dans les enluminures du Bréviaire de Belleville (1323-1326), la Vierge est représentée dans un jardin clos abondamment fleuri, illustrant l’idée d’un espace préservé du monde extérieur, où se déploie un univers idéal. L’association entre le jardin et le sacré se retrouve également dans les pratiques funéraires médiévales, certains cimetières étant aménagés sous forme de vergers, en écho aux représentations bibliques du Paradis perdu.
Si la fin du Moyen Âge voit émerger de nouvelles conceptions de l’aménagement paysager sous l’influence italienne, l’héritage des jardins médiévaux ne disparaît pas pour autant. Nombre de principes de structuration et de gestion des cultures perdurent à la Renaissance, comme en témoigne l’aménagement des premiers jardins royaux en France. Le château d’Amboise, sous Charles VIII, introduit les premiers jardins en terrasses inspirés des modèles italiens, mais conserve encore des espaces clos et des vergers hérités de la tradition médiévale.
Aujourd’hui, ces jardins restent une source d’inspiration majeure, tant pour les historiens que pour les paysagistes et les praticiens du jardinage écologique. Les initiatives de reconstitution menées à l’abbaye de Royaumont ou au château du Rivau s’appuient sur les sources textuelles et iconographiques médiévales pour redonner vie à ces espaces historiques. Par ailleurs, les principes de polyculture et de respect de la biodiversité qui régissaient les jardins monastiques trouvent un écho dans les pratiques contemporaines de permaculture, où l’association des espèces et la gestion raisonnée des ressources rappellent les méthodes utilisées par les moines du Moyen Âge.
Loin d’être de simples vestiges du passé, les jardins médiévaux s’inscrivent ainsi dans une continuité, témoignant de leur rôle fondamental dans l’histoire paysagère et agricole. Entre conservation patrimoniale et adaptation aux enjeux environnementaux actuels, ils illustrent la permanence d’une conception du jardin où la nature, loin d’être livrée au hasard, est pensée, aménagée et intégrée dans un cadre structuré, qu’il soit religieux, seigneurial ou urbain. Loin d’une approche purement esthétique ou utilitaire, ils reflètent une organisation savante, façonnée par des siècles de savoirs et d’expérimentations, et continuent d’éclairer notre compréhension du rapport entre l’homme et son environnement.








Sources bibliographiques (Format APA 7e édition)
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Tourisme93. Les murs à pêches de Montreuil. https://www.tourisme93.com
GLOSSAIRE GLOBAL
A
Acanthe : Plante dont les feuilles stylisées sont utilisées dans l’ornementation architecturale médiévale.
Agréage : Action de préparer le sol pour la culture dans un jardin médiéval.
Agronomie médiévale : Ensemble des techniques agricoles employées au Moyen Âge, incluant la rotation des cultures et l’usage d’engrais naturels.
Allégorie : Représentation d’une idée abstraite sous une forme concrète, courante dans l’art médiéval.
Anagogie : Interprétation spirituelle visant à dégager un sens divin des éléments du monde matériel.
Apothicaires : Spécialistes médiévaux des remèdes à base de plantes médicinales.
Arboriculture : Culture des arbres fruitiers et ornementaux dans les jardins médiévaux.
Archéo-botanique : Étude des restes végétaux anciens pour comprendre les pratiques agricoles historiques.
Ars topiaria : Art de la taille décorative des arbres et arbustes dans les jardins antiques et médiévaux.
Autosuffisance alimentaire : Capacité d’un domaine à produire ses propres denrées.
B
Bassin d’agrément : Élément décoratif des jardins princiers et aristocratiques, souvent alimenté en eau courante.
Bastide : Ville nouvelle du XIIIe siècle intégrant des espaces de jardins pour assurer l’autosuffisance.
Benedictins : Ordre monastique influençant l’organisation des jardins monastiques.
Brassage : Technique médiévale de fabrication de la bière utilisant des céréales issues des jardins monastiques.
Biodiversité cultivée : Diversité des variétés de plantes domestiquées dans un espace horticole.
C
Capitulare de Villis : Ordonnance de Charlemagne réglementant l’organisation des jardins impériaux et monastiques.
Carré de simples : Espace structuré pour la culture de plantes médicinales dans les monastères.
Cartulaire : Recueil médiéval de chartes administratives mentionnant parfois des jardins et terres cultivées.
Cens : Redevance annuelle payée pour l’exploitation de terres ou de jardins.
Château du Rivau : Domaine recréant des jardins selon les principes médiévaux.
Cisterciens : Ordre monastique connu pour ses jardins épurés et fonctionnels.
Cloître : Cour intérieure d’un monastère, souvent agrémentée d’un jardin.
Clayonnage : Clôture en branches entrelacées protégeant les espaces cultivés.
Cosmologie médiévale : Conception chrétienne du monde où le jardin symbolise un microcosme divin.
Courtil : Petit jardin urbain ou rural, destiné à la culture potagère et médicinale.
Cultivar : Variété végétale sélectionnée pour ses caractéristiques spécifiques.
D
Déduit (Jardin de) : Jardin courtois symbolisant le raffinement et le plaisir, notamment dans le Roman de la Rose.
Droit de banalité : Obligation de recourir aux installations seigneuriales influençant la gestion des jardins.
E
Éden (Jardin d’) : Référence biblique influençant la conception spirituelle des jardins médiévaux.
Évangiles (quatre) : Symbolique chrétienne influençant la structure quadripartite des jardins.
F
Fontaine sacrée : Élément central des jardins médiévaux, servant à l’irrigation et à la symbolique religieuse.
Fontaine de vie : Motif iconographique et architectural associé à la purification spirituelle.
G
Gaignage : Ensemble des terres attachées à un domaine seigneurial pour l’exploitation agricole.
Garance (Rubia tinctorum) : Plante tinctoriale utilisée pour obtenir la teinture rouge.
Genèse : Livre biblique influençant la conception théologique des jardins médiévaux.
Guède (Isatis tinctoria) : Plante tinctoriale produisant un bleu caractéristique.
H
Herbularius : Jardin médicinal des monastères destiné à la pharmacopée.
Hortus : Jardin potager monastique pour la culture des légumes et plantes alimentaires.
Hortus conclusus : Jardin clos souvent associé à la Vierge Marie, symbolisant la pureté spirituelle.
Hortus medicus : Jardin monastique réservé aux plantes médicinales.
Hortulus : Petit jardin monastique, popularisé par l’œuvre de Walafrid Strabo.
Hysope : Plante médicinale associée à la purification rituelle et cultivée dans les jardins monastiques.
I
Iconographie médiévale : Étude des représentations artistiques des jardins médiévaux.
Irrigation médiévale : Techniques d’arrosage utilisant canaux rudimentaires et rigoles.
Irrigation souterraine : Système d’arrosage basé sur des canalisations souterraines.
J
Jardin castral : Jardin aménagé dans un château médiéval, combinant potager, verger et espace de détente.
Jardin communautaire : Espace partagé utilisé pour compléter l’approvisionnement en nourriture.
Jardin d’agrément : Jardin conçu pour la contemplation et le loisir.
Jardin des simples : Jardin médicinal cultivé dans les monastères.
Jardin potager : Espace de culture destiné à la production de légumes et herbes aromatiques.
Jardin vivrier : Jardin destiné à la production alimentaire complémentaire.
Jardin maraîcher : Espace consacré à la culture intensive de légumes et d’herbes aromatiques.
L
Land art : Utilisation d’éléments naturels pour créer des œuvres intégrées aux jardins historiques.
Locus amoenus : Concept littéraire désignant un jardin idyllique propice à la contemplation.
M
Maraîchage médiéval : Culture de légumes et plantes alimentaires essentielle à l’alimentation médiévale.
Médecine monastique : Système de soins à base de plantes cultivées dans les jardins monastiques.
Monachisme : Mode de vie religieux incluant l’entretien des jardins comme acte de spiritualité.
Mulching : Technique de couverture du sol inspirée des pratiques agricoles médiévales.
Murets en pierre sèche : Structures sans mortier servant à délimiter les jardins.
O
Onguentarium : Partie du jardin monastique réservée aux plantes aromatiques et médicinales.
Orto : Terme médiéval italien désignant un jardin potager.
P
Palissade : Clôture en bois protégeant les jardins des intrusions.
Paradis terrestre : Jardin idéal dans la conception médiévale chrétienne.
Parterre : Zone cultivée dans un jardin, souvent délimitée par des bordures.
Plantes médicinales : Espèces végétales aux vertus curatives cultivées dans les jardins monastiques.
Q
Quadripartition : Organisation en quatre parties d’un jardin médiéval.
Quatre fleuves du paradis : Référence biblique souvent représentée dans les jardins médiévaux.
R
Roman de la Rose : Œuvre médiévale où le jardin est un espace allégorique.
S
Simples : Plantes médicinales utilisées en pharmacopée médiévale.
Symbolisme végétal : Attribution d’une signification religieuse aux plantes.
T
Tacuinum Sanitatis : Traité médiéval détaillant les vertus des plantes.
Treille : Structure permettant la croissance des plantes grimpantes.
V
Vergier (ou Verger) : Jardin fruitier médiéval, associé à la fertilité et la spiritualité.
Vitraux horticoles : Fenêtres ornées représentant des scènes de jardins.
Iconographie

Le Plan de Saint-Gall (vers 820-830)
Encre rouge sur parchemin, 112 × 77,5 cm, Bibliothèque de l'Abbaye de Saint-Gall, Codex Sangallensis 1092.
Le Plan de Saint-Gall est le plus ancien plan architectural monastique connu de l’époque médiévale. Réalisé au début du IXe siècle dans le contexte de la réforme carolingienne, il illustre l’idéal d’un monastère bénédictin parfaitement organisé, structuré autour des principes de la Regula Benedicti.
Description et signification
Un modèle idéal plutôt qu’un plan de construction réel : Bien que ce plan n’ait jamais été entièrement réalisé, il sert de référence pour comprendre l’organisation des monastères médiévaux.
Disposition rationnelle : Le plan présente les bâtiments monastiques autour de la basilique abbatiale, avec des espaces distincts dédiés à la prière, au travail et à l’hospitalité.
Éléments architecturaux et annotations
Église abbatiale (centre du plan)
Organisation basilicale avec nef, transept et chœur.
Cloître central servant de cœur spirituel du monastère.
Hortus, Herbularius et Viridarium (en bas à droite)
Hortus : Potager destiné à l’alimentation des moines.
Herbularius : Jardin médicinal pour la préparation des remèdes.
Viridarium : Verger symbolisant l’abondance et le Paradis terrestre.
Bâtiments de vie communautaire
Scriptorium et bibliothèque : Lieu de copie des manuscrits et transmission du savoir.
Réfectoire : Salle de repas des moines, attenante à la cuisine.
Hospice : Accueil des pèlerins et des voyageurs, en accord avec la règle de Saint Benoît.
Parties agricoles et artisanales (périphérie du plan)
Granges, moulins et étables illustrent l’autosuffisance économique du monastère.
Brasserie et boulangerie, attestant de l’importance de la production alimentaire.
Importance historique
Le Plan de Saint-Gall témoigne de la rigueur intellectuelle et architecturale des Carolingiens, intégrant des principes de rationalisation des espaces religieux et économiques. Il reste une source inestimable pour comprendre le mode de vie monastique médiéval.

Reconstitution du monastère de Saint-Gall selon le plan de 830
Dessin de Johann Rudolf Rahn, d'après Lasius, 1876.
Cette illustration propose une reconstruction tridimensionnelle du monastère de Saint-Gall tel qu’il aurait pu être construit d’après le célèbre plan du IXe siècle. L’artiste Johann Rudolf Rahn, en s’inspirant des recherches de Lasius, donne une vision concrète de l’architecture et de l’organisation spatiale du monastère idéal carolingien.
L’image met en évidence :
L’église abbatiale, monumentale et flanquée de deux tours, au centre de la vie monastique.
Le cloître, espace spirituel entouré des bâtiments essentiels à la vie des moines.
Les cellules monastiques, disposées en rangées ordonnées, illustrant la rigueur de la vie bénédictine.
Les jardins et cours intérieures, dédiés aux cultures médicinales et aux vergers.
Les infrastructures agricoles et artisanales, démontrant l’autosuffisance du monastère.
Ce dessin restitue l’ambition du plan de Saint-Gall, conçu comme un modèle architectural parfait pour la réforme monastique carolingienne.

Carte du premier âge ou situation du Paradis terrestre selon les divers auteurs
Gravure de François Desbrulins, XVIIe-XVIIIe siècle
Source : Bibliothèque nationale de France (Gallica)
Cette carte illustre les diverses hypothèses sur la localisation du Paradis terrestre, en se basant sur les descriptions bibliques du livre de la Genèse et les interprétations des savants de l’époque. L’un des éléments centraux de ces hypothèses repose sur les quatre fleuves mentionnés dans la Genèse (Gn 2:10-14), qui auraient pris leur source dans l'Éden.
Les quatre fleuves du Paradis
Dans la tradition biblique, un fleuve unique sort de l’Éden et se divise en quatre bras, qui irriguent la terre :
Pishon (Phison)
Souvent associé au Gange ou à un fleuve d’Arabie.
Il est censé traverser un pays riche en or et en pierres précieuses (Havilah).
Gihon (Geon)
Parfois identifié au Nil ou à un cours d’eau de l’Afrique orientale.
Il est censé couler autour du pays de Cusch (Coush), une région souvent associée à l’Éthiopie.
Tigre (Hiddekel)
Un fleuve bien connu, qui traverse l'Assyrie et passe par Ninive.
Il est encore visible aujourd’hui en Irak et Turquie.
Euphrate (Perath)
Le plus célèbre des quatre fleuves, qui traverse Babylone et alimente les terres de Mésopotamie.
Ces fleuves sont représentés sur la carte, en particulier dans la zone sud de la Mésopotamie, où plusieurs auteurs situaient le Paradis terrestre. La présence de ces cours d'eau a conduit certains théologiens et géographes à placer l’Éden à l’intersection du Tigre et de l’Euphrate, dans l’actuel Irak.
Annotations et symboles notables
Eden (zone jaune au nord)
Localisation supposée du Jardin d’Éden, près de l'Arménie et des sources du Tigre et de l’Euphrate.
Théorie fondée sur l’idée que les fleuves prennent naissance à cet endroit.
Paradis terrestre (cercle jaune et rouge au sud)
Situé près du golfe Persique, où les quatre fleuves se rejoindraient avant de se séparer.
Hypothèse soutenue par certains érudits qui considéraient Babylone comme proche du site originel.
Les mers et repères géographiques
Mer Caspienne, Mer Noire, Mer Méditerranée et Golfe Persique : points de repère importants pour situer l’Éden dans le contexte du monde connu à l’époque.
Signification et héritage
Cette carte reflète la fascination des érudits de l’époque pour la géographie sacrée, tentant de localiser physiquement des lieux décrits dans la Bible. La présence des quatre fleuves souligne leur importance symbolique et théologique, représentant l’abondance, la fertilité et la connexion entre le divin et le monde terrestre.

Le Paradis terrestre
Les Très Riches Heures du duc de Berry, musée Condé, Ms.65, folio 25.
Cette enluminure, extraite du célèbre manuscrit Les Très Riches Heures du duc de Berry (XVe siècle), représente le Jardin d’Éden, un espace sacré de perfection divine selon la tradition chrétienne. Peinte avec une finesse remarquable par les frères de Limbourg, elle illustre plusieurs moments clés du récit biblique de la Genèse.
Description et analyse de la scène
L’image est structurée en un espace circulaire clos, entouré d’eau et de montagnes, une forme évoquant la conception médiévale du hortus conclusus (jardin clos), symbole de pureté et de perfection.
Le centre du jardin : un édifice gothique
Représente l’Arbre de Vie ou une structure céleste évoquant la Jérusalem céleste.
Ses hautes flèches et son architecture raffinée renforcent son caractère divin et parfait.
Les scènes bibliques représentées :
À gauche : La Tentation → Ève cueille le fruit défendu du serpent enroulé autour de l’arbre, tandis qu’Adam, déjà marqué par la faute, se couvre le visage.
Au centre : La Création d’Ève et son union avec Adam → Dieu, vêtu d’un manteau bleu, unit les mains des premiers humains dans une scène nuptiale.
À droite : L’expulsion du Paradis → Un ange à l’épée flamboyante chasse Adam et Ève, désormais honteux et vêtus de feuilles de figuier, vers le monde terrestre.
Éléments symboliques et annotations
L’Arbre du Bien et du Mal (gauche)
Enroulé par le serpent, il représente la tentation et la chute de l’humanité.
L’architecture gothique centrale
Inspirée des cathédrales médiévales, elle évoque le divin et le Paradis céleste.
L’ange à l’épée rouge (droite)
Il symbolise la justice divine, condamnant Adam et Ève à l’exil.
Les eaux entourant le jardin
Elles évoquent l’isolement sacré du Paradis, un lieu inaccessible aux mortels.
Signification et héritage
Cette enluminure illustre la vision médiévale du Paradis terrestre, à la fois jardin d’abondance et espace sacré. Son iconographie raffinée reflète l’influence de la théologie chrétienne et des conventions artistiques gothiques du XVe siècle.

Les enluminures du Tacuinum Sanitatis (XIVe siècle) – Bibliothèque nationale de France, ms. Latin 9333
Cette enluminure issue du célèbre Tacuinum Sanitatis illustre une scène de cueillette et d’ornementation florale dans un jardin médiéval. Elle met en lumière la double fonction de ces espaces clos : lieux de plaisir et de contemplation, mais aussi de culture savante et médicinale.
Le jardin médiéval : un espace structuré et symbolique
L’organisation rigoureuse des jardins
Les jardins médiévaux, qu’ils soient monastiques, princiers ou médicinaux, étaient conçus en fonction de la symbolique chrétienne et d’une connaissance précise des propriétés des plantes.
Cette enluminure montre une clôture végétale dense, rappelant le concept du hortus conclusus, un jardin clos évoquant à la fois la Vierge Marie et le paradis perdu.
Un jardin d’agrément et de bien-être
La scène dépeint une société raffinée, où hommes et femmes se couronnent de fleurs, illustrant le rôle du jardin comme espace de sociabilité et de détente.
Ces fleurs, probablement des roses et des œillets, étaient cultivées à la fois pour leur parfum, leur valeur symbolique et leurs vertus médicinales.
Les jardins comme espaces médicinaux et alimentaires
Dans le contexte du Tacuinum Sanitatis, chaque plante est associée à un usage thérapeutique.
Les jardins médiévaux comprenaient souvent des herbes médicinales comme la sauge, le romarin et la lavande, utilisées dans les traitements médicaux médiévaux.
Conclusion – Un microcosme du savoir médiéval
Cette enluminure du Tacuinum Sanitatis met en valeur l’importance des jardins médiévaux en tant que lieux de culture (botanique et sociale), de médecine et de spiritualité. Ils sont le reflet d’un savoir savant hérité des monastères, où chaque plante, chaque geste et chaque couleur avait une signification précise.

Le Jardin des Délices (vers 1490-1510) – Jérôme Bosch
Huile sur panneau de bois, 220 × 389 cm, Musée du Prado, Madrid.
Ce triptyque fascinant de Jérôme Bosch est une œuvre emblématique de l’art du XVe siècle, combinant symbolisme religieux, fantastique et satire morale. Il se compose de trois panneaux :
Panneau gauche – Le Paradis
Représente la Genèse avec Dieu présentant Ève à Adam dans un paysage luxuriant et foisonnant d’animaux exotiques et de plantes étranges.
Symbolisme biblique du Jardin d’Éden, dominé par des structures organiques et des créatures hybrides.
Panneau central – Le Jardin des Délices
Une scène idyllique et mouvementée montrant des humains nus livrés à des plaisirs sensuels, entourés de fruits géants et de structures fantastiques.
Réflexion sur la tentation, la luxure et la vanité humaine dans un univers où les lois naturelles semblent suspendues.
Panneau droit – L’Enfer
Représentation cauchemardesque d’un enfer peuplé de créatures démoniaques et de supplices étranges.
Allusion aux péchés terrestres punis par des tortures absurdes et surréalistes.

Le Jardin de Paradis (Paradiesgärtlein) – Maître du Haut-Rhin, vers 1410
Tempera sur bois, 26 × 33 cm, Städelsches Kunstinstitut, Francfort-sur-le-Main.
Cette peinture gothique tardive illustre un hortus conclusus (jardin clos), symbole marial typique de l’iconographie médiévale. Ce type de représentation met en scène la Vierge Marie dans un jardin idéalisé, reflet du Paradis terrestre, où la nature est en harmonie avec la spiritualité.
Description et interprétation
Vierge Marie (centre) : Assise sous un arbre, elle est couronnée et vêtue de bleu et de rouge, couleurs traditionnelles mariales. Elle lit un livre, symbole de sagesse et de méditation.
L’ange et le chevalier (droite) : Représentent la dualité entre le monde céleste et terrestre. Le chevalier, en position humble, semble chercher la faveur divine.
Femme en blanc et bleu (gauche, près du bassin) : Elle puise de l’eau, symbole de pureté et de vie spirituelle.
Femme cueillant un fruit (gauche, près de l’arbre) : Évoque Ève dans le Jardin d’Éden, mais ici sous une vision positive liée à l’abondance paradisiaque.
Éléments symboliques
Jardin clos : Muraille blanche évoquant la virginité et la protection divine.
Fleurs et plantes : Lilas, iris, et roses symbolisent la pureté, la passion divine et la Vierge Marie.
Table avec fruits et boisson : Allusion à l’Eucharistie et à la nourriture spirituelle.
Oiseaux et petits animaux : Éléments de la nature idéalisée, évoquant la paix et l’harmonie divine.

La Dame à la Licorne – Un Jardin Médiéval Allégorique
Tapisserie flamande, fin du XVe siècle – Musée de Cluny, Paris
La célèbre série de tapisseries La Dame à la Licorne est une représentation emblématique de l’univers médiéval, où le jardin clos (hortus conclusus) devient un espace de symbolisme et de raffinement. Commandées par une famille noble, ces tapisseries illustrent la thématique des cinq sens et une sixième tapisserie au message plus mystérieux, le tout dans un cadre luxuriant inspiré des jardins médiévaux.
Un jardin médiéval symbolique et esthétique
L’arrière-plan végétal : un paradis floral
La tapisserie est saturée de motifs floraux et d’arbres fruitiers, illustrant un jardin d’agrément médiéval.
Des orangers, des chênes et des grenadiers symbolisent l’amour, la sagesse et la fécondité.
Les petites fleurs bleues et rouges rappellent les prairies fleuries cultivées dans les jardins aristocratiques.
Le hortus conclusus : un jardin clos
L’espace ovale sur lequel se tient la dame est délimité comme un jardin isolé du monde extérieur, évoquant les jardins privés des châteaux.
Ce jardin symbolise à la fois la pureté et l’introspection, un lieu de méditation et d’apprentissage des vertus courtoises.
Les tapisseries et leurs liens avec les jardins médiévaux
Les cinq sens et leur cadre naturel
Le toucher : La dame caresse la corne de la licorne, soulignant la sensorialité du monde végétal et animal.
Le goût : Elle prend une friandise d’un coffret, entourée de fruits exotiques comme des agrumes, caractéristiques des jardins de plaisance aristocratiques.
L’odorat : Elle tient une fleur, tandis qu’un singe s’enivre du parfum d’une rose, rappelant l’usage des jardins pour la culture de plantes odorantes et médicinales.
L’ouïe et la vue sont aussi illustrées dans d’autres tapisseries avec des instruments et des miroirs, reliant la nature aux plaisirs intellectuels.
Les animaux dans le jardin médiéval
La licorne et le lion sont des figures héraldiques, mais aussi des symboles liés aux vertus et à l’amour courtois.
Les oiseaux et les petits mammifères (lapins, singes) témoignent du caractère vivant et enchanteur du jardin, comme c’était le cas dans les enclos nobles.
Un jardin médiéval comme espace idéalisé
Ces tapisseries reflètent la vision aristocratique du jardin au Moyen Âge :
Un lieu de plaisir, de contemplation et de raffinement.
Un espace clos, entre nature domestiquée et paradis spirituel.
Une métaphore de la courtoisie et de l’amour, dans la lignée des jardins décrits dans le Roman de la Rose.

Miniature introductive du Roman de la Rose, folio 1
Manuscrit enluminé, Bodleian Library, Ms. Douce 195
Cette enluminure ouvre le célèbre Roman de la Rose, un poème allégorique du XIIIe siècle écrit par Guillaume de Lorris et complété par Jean de Meun. Ce texte médiéval, à la fois récit d’amour courtois et traité philosophique, illustre la quête de l’amant pour la Rose, symbole de l’amour idéal.
Description de la miniature
L’image est divisée en deux scènes principales, encadrées par une architecture gothique raffinée, séparées par une colonne centrale :
À gauche : L’écrivain au travail
Un scribe en robe bleue et rouge, sans doute une représentation de l’auteur ou du narrateur, est assis à son pupitre, absorbé dans l’écriture.
Deux personnages apparaissent à une fenêtre en arrière-plan, témoignant peut-être de la réception du texte.
L’espace est intime et studieux, renforçant l’idée d’un texte conçu dans la tradition intellectuelle médiévale.
À droite : Le rêveur dans son lit
Un jeune homme allongé sur un lit vert, vêtu d’une tunique rouge, symbolise le narrateur du poème, qui va entrer dans un songe initiatique.
Son chien blanc, allongé à ses pieds, est un symbole de loyauté et de quiétude.
Cette scène marque le début du voyage onirique dans le jardin allégorique où se déroule l’action du Roman de la Rose.
Ornementation et éléments symbolique
Bordure florale enluminée
Composée de feuillages délicats, de fleurs (roses, campanules) et de fruits (grenade, fraises), évoquant le thème de la nature et de l’amour courtois.
Figures marginales
Dans la marge de droite, un petit personnage semble grimper aux tiges florales, soulignant la dimension allégorique du texte et son rapport avec la nature.
Texte en lettres gothiques ornées
Utilisation d’enluminures dorées et de lettrines colorées pour démarquer le début du récit.
Interprétation et contexte
Le Roman de la Rose est un chef-d’œuvre de la littérature médiévale qui mêle allégorie, amour courtois et réflexion philosophique. Cette première page enlumine brillamment son atmosphère introspective et onirique, plongeant le lecteur dans une aventure intellectuelle et sentimentale.

Miniature du Livre des simples médecines (XVe siècle)
Source : Bibliothèque nationale de France, ms. Français 12322.
Cette enluminure illustre l’importance des jardins médicinaux monastiques, appelés herbularius, où les plantes étaient cultivées pour leurs vertus thérapeutiques. Le manuscrit, attribué à l’École de médecine de Montpellier, témoigne du savoir botanique du Moyen Âge et de la transmission des connaissances médicales par les moines et les savants.
Les jardins médicinaux : un centre de soins et de savoir
L’herbularius : un jardin structuré et utilitaire
Situé à proximité des monastères, l’herbularius était divisé en parcelles dédiées aux plantes médicinales, classées selon leurs usages thérapeutiques.
Ce type de jardin s’inspire des jardins antiques, notamment des connaissances héritées de Dioscoride et de Galien.
Les plantes médicinales et leurs propriétés
À gauche, on reconnaît la guimauve (Althaea officinalis), utilisée pour ses propriétés émollientes et expectorantes dans le traitement des inflammations et des affections respiratoires.
La morelle noire (Solanum nigrum), située à côté, était connue pour ses effets sédatifs et analgésiques, mais aussi pour sa toxicité lorsqu’elle est mal dosée.
À droite, le carex (Carex sp.) et la scolopendre (Asplenium scolopendrium), des plantes souvent utilisées dans la médecine monastique, notamment pour leurs bienfaits sur les affections urinaires et respiratoires.
Un savoir conservé dans les manuscrits médicaux
Ce manuscrit appartient à la tradition des "livres des simples", des ouvrages recensant les plantes et leurs applications en pharmacopée médiévale.
La transmission de ces savoirs médicinaux était essentielle pour soigner les maladies en l’absence de médecine moderne, reposant principalement sur les remèdes naturels et les pratiques monastiques.
Conclusion – Un jardin au cœur du soin et du savoir
Cette miniature du Livre des simples médecines illustre l’importance des jardins médicinaux médiévaux, où la nature était un remède, et le jardin, un espace de connaissance et de transmission. Grâce à ces pratiques, une partie du savoir botanique antique a pu être préservée et enrichie au fil des siècles.

Enluminure du XVe siècle
Source : Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 5067.
Cette enluminure illustre un jardin potager médiéval, conçu selon une organisation rigoureuse et fonctionnelle. Il met en scène des jardiniers au travail, pratiquant la culture et l’entretien des parcelles, sous l’œil attentif d’un noble ou d’un maître d’ouvrage.
Le jardin potager médiéval : un espace structuré et essentiel
Un espace quadrillé et fonctionnel
Le potager est organisé en parcelles rectangulaires, séparées par des allées de circulation.
Ce type de disposition facilite l’irrigation, l’entretien des cultures, et permet d’optimiser la production des légumes et des plantes aromatiques.
Les techniques agricoles médiévales
Les jardiniers utilisent des outils simples, comme la bêche et le couteau, pour sarcler et entretenir les cultures.
On distingue différents gestes agricoles : arrosage, taille, désherbage et entretien des jeunes pousses.
Ces techniques sont héritées des savoirs antiques et monastiques, diffusés à travers des traités comme le Rustican de Pierre de Crescens (XIIIe siècle), qui influença les pratiques agricoles médiévales.
Un jardin rattaché à un domaine seigneurial
L’enluminure montre un jardin intégré à un ensemble castral, protégé par des murs et jouxtant une demeure seigneuriale.
Ces jardins, souvent situés près des châteaux ou monastères, assuraient une autonomie alimentaire pour les résidents.
Les cultures et usages du potager médiéval
Une diversité de légumes et d’herbes
Parmi les cultures les plus courantes dans les jardins médiévaux, on trouvait :
Les plantes aromatiques : thym, sauge, persil, coriandre.
Les légumes racines : carottes, navets, betteraves.
Les légumes-feuilles : chou, laitue, bette.
Les fleurs comestibles et médicinales : bourrache, souci, rose.
Un jardin à vocation utilitaire
Le potager ne servait pas uniquement à l’alimentation mais aussi à la médecine et à la cuisine.
De nombreuses herbes cultivées avaient des vertus thérapeutiques et entraient dans la préparation des remèdes monastiques.
Les légumes produits assuraient une diète équilibrée, particulièrement dans les communautés religieuses et nobles, où les restrictions alimentaires imposaient une forte consommation de légumes.
Conclusion – Le jardin potager, un pilier de l’autosuffisance médiévale
Loin d’être un simple espace de culture, le potager médiéval était un élément vital des seigneuries et monastères, assurant une production nourricière diversifiée et essentielle à la vie quotidienne. Cette enluminure offre une vision précieuse des pratiques agricoles médiévales, alliant organisation, savoir-faire et respect des saisons.

Miniature des Très Riches Heures du Duc de Berry (XVe siècle)
Source : Musée Condé, Chantilly
Cette suite de miniatures représente le cycle des saisons à travers les travaux des champs et des jardins médiévaux. Chaque scène illustre les interactions entre l’homme et la nature, mettant en valeur la diversité des jardins médiévaux, depuis les potagers jusqu’aux jardins d’agrément.
Les jardins médiévaux à travers les saisons
Le printemps : la fertilité et le renouveau
Les mois de mars et avril mettent en avant des scènes de labours, semis et jardinage, reflétant l’importance des potagers et jardins nourriciers.
Le mois de mai est associé aux jardins d’agrément, où l’aristocratie se promène au milieu de vergers en fleurs.
L’été : la récolte et l’entretien des jardins
Les mois de juin et juillet montrent les travaux agricoles intensifs : fauchage des blés, récolte des légumes et entretien des parterres.
Les jardins monastiques et seigneuriaux restent des espaces de repos et de contemplation, notamment à l’ombre des tonnelles.
L’automne : le temps des moissons et des vendanges
Septembre illustre les vendanges, un moment clé dans les cultures monastiques et seigneuriales.
Octobre et novembre montrent l’entretien des vergers, le ramassage des fruits et la préparation des jardins pour l’hiver.
L’hiver : un temps de repos et de préparation
Les scènes hivernales mettent en évidence la protection des cultures, le stockage des récoltes et la préparation des sols pour la saison suivante.
Même en hiver, les jardins des monastères restaient actifs pour la culture des plantes médicinales sous abri.
Les différents types de jardins représentés
Les jardins seigneuriaux et princiers
Présents dans les scènes de mai et juin, ces jardins étaient des espaces de détente et de prestige.
Ils étaient souvent composés de vergers, fontaines et allées ornées, avec une forte symbolique de paradis terrestre.
Les jardins potagers et vergers nourriciers
Les scènes de mars à octobre illustrent les jardins utilitaires, où légumes et fruits étaient cultivés pour la consommation des seigneurs et des paysans.
On y voit des cultures de légumes à racines, céréales, vignes et arbres fruitiers.
Les jardins monastiques et médicinaux
Bien que moins visibles dans cette série, les monastères possédaient des jardins clos dédiés à la culture des simples (plantes médicinales).
Ces jardins, inspirés des herbularius antiques, servaient aux soins des malades et à la préparation des remèdes.
Conclusion – L’organisation des jardins au cœur du monde médiéval
Les Très Riches Heures du Duc de Berry offrent un aperçu fascinant de la diversité et de l’organisation des jardins médiévaux, en lien avec les cycles agricoles et sociaux. De l’utilitaire au décoratif, du potager au jardin princier, ces espaces structuraient la vie des hommes et témoignent d’un savoir-faire ancestral.

Jardin d’amour à la cour de Philippe le Bon
Anonyme, XVe siècle – Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
Ce tableau illustre un jardin d’amour courtois, un espace à la fois réel et allégorique, emblématique de l’aristocratie bourguignonne sous le règne de Philippe le Bon (1396-1467). Le jardin clos, un élément fondamental des jardins médiévaux, est ici un décor de sociabilité raffinée où se mêlent amour courtois, divertissements et nature domestiquée.
Un jardin médiéval comme espace de sociabilité
Un jardin clos et structuré
Entouré de palissades et d’une bâtisse aux allures de locus amoenus (lieu idyllique), ce jardin incarne la notion de refuge et de protection, caractéristique des jardins aristocratiques du Moyen Âge.
La nature y est maîtrisée : on aperçoit des arbres taillés et une prairie verdoyante qui contrastent avec le paysage plus sauvage de l’arrière-plan.
Une scène d’amour courtois
Les nobles, vêtus de blanc – couleur de la pureté et de la distinction –, déambulent et conversent selon les codes de la courtoisie médiévale.
Le raffinement de la cour bourguignonne se traduit par la musique, les échanges galants et le luxe des vêtements.
Les activités du jardin
Jeux de cour et festins : une table dressée témoigne de l’art de vivre aristocratique.
Musique et danse : des musiciens accompagnent les conversations et renforcent le caractère harmonieux de la scène.
Symboles de l’amour et de la chasse : le faucon, le lévrier et les tournois à l’arrière-plan rappellent le parallèle médiéval entre la chasse et la conquête amoureuse.
Un jardin symbolique et fonctionnel
Le jardin médiéval et son organisation
Inspiré des hortus conclusus, ce jardin est un espace à la fois esthétique et fonctionnel, intégrant des éléments d’agrément et de représentation sociale.
Il rappelle les jardins d’amour chantés dans la littérature courtoise et représentés dans les manuscrits enluminés.
L’amour et la nature maîtrisée
Ce jardin est un écho aux descriptions des jardins du Roman de la Rose, où la nature devient le cadre de l’apprentissage amoureux.
La présence d’arbres fruitiers et de végétation bien ordonnée traduit la conception médiévale du jardin comme un espace harmonieux, entre paradis terrestre et construction humaine.
Un jardin en opposition au monde extérieur
À l’arrière-plan, des combats et des tournois montrent un contraste entre l’univers policé du jardin et la rudesse du monde extérieur, renforçant l’idée du jardin comme lieu de paix et de raffinement.
Conclusion
Ce tableau est une représentation parfaite du jardin aristocratique médiéval, où l’amour courtois, la nature et les codes de la noblesse s’entrelacent. Il illustre les thématiques des jardins médiévaux abordées dans les documents transmis, en mettant en lumière le jardin clos comme espace d’échange social, de plaisir et de représentation du pouvoir.

Arrachage d'une mandragore – Une plante mystérieuse des jardins médiévaux
Manuscrit Tacuinum Sanitatis, Bibliothèque nationale de Vienne, vers 1390
Cette enluminure illustre l’arrachage d’une mandragore, une plante aux puissantes propriétés médicinales et magiques, souvent cultivée dans les jardins médiévaux à usage thérapeutique. Issue du Tacuinum Sanitatis, un traité médical médiéval d’origine arabe, cette image témoigne du savoir botanique médiéval et de la transmission des connaissances sur les plantes.
Une plante entre médecine et superstition
La mandragore et ses vertus
Connue pour ses racines anthropomorphes, elle était utilisée pour ses effets anesthésiants et sédatifs, notamment en chirurgie.
Selon les herboristes médiévaux, elle pouvait aussi soigner l’insomnie, les troubles nerveux et la mélancolie.
Un arrachage rituel et prudent
La légende voulait que la mandragore pousse sous les gibets et émette un cri mortel lorsqu’elle était déracinée.
Pour éviter ce danger, il était conseillé d’utiliser un chien attaché à la racine, qui tirait la plante tandis que l’homme se bouchait les oreilles.
Cette croyance, bien que superstitieuse, montre comment le savoir médical médiéval cohabitait avec des pratiques rituelles.
Un élément essentiel des jardins médiévaux
La mandragore faisait partie des plantes cultivées dans les jardins monastiques et princiers, où elle était protégée pour son usage médicinal.
Elle était souvent plantée dans le herbularius, un espace réservé aux plantes médicinales dans les jardins monastiques et hospitaliers.
Conclusion – La mandragore, un héritage des jardins médiévaux
Cette enluminure du Tacuinum Sanitatis témoigne de l’intérêt des médecins et botanistes médiévaux pour les plantes médicinales et de leur intégration dans les jardins clos des monastères et des cours princières. Elle illustre également la persistance des croyances magiques associées aux plantes, qui ont perduré jusqu’à la Renaissance.

Hysope officinale (Hyssopus officinalis L.) – Une plante médicinale des jardins médiévaux
Illustration botanique, Famille des Lamiacées
L’hysope (Hyssopus officinalis), plante vivace de la famille des Lamiacées, était une composante essentielle des jardins médiévaux, notamment dans les jardins monastiques et médicinaux. Elle était cultivée pour ses propriétés médicinales, culinaires et symboliques.
L’hysope dans les jardins médiévaux
Un élément du hortus medicus
L’hysope était couramment plantée dans le herbularius, la section des jardins monastiques dédiée aux plantes médicinales.
Son arôme puissant en faisait une plante prisée pour la purification de l’air et l’usage thérapeutique.
Propriétés médicinales et usages médiévaux
Utilisée pour traiter les affections respiratoires, elle était réputée pour ses vertus expectorantes et antiseptiques.
Les moines la cultivaient pour préparer des infusions contre la toux et les fièvres.
Elle entrait dans la composition de baumes et d’onguents, destinés à soigner plaies et infections.
Un condiment apprécié
Ses feuilles aromatiques étaient employées en cuisine médiévale pour assaisonner les viandes et les potages.
On en extrayait aussi une liqueur, ancêtre de certaines préparations monastiques comme la Chartreuse.
Conclusion – L’hysope, un indispensable des jardins médiévaux
Cette illustration botanique témoigne de l’importance de l’hysope dans les jardins médicinaux, monastiques et culinaires du Moyen Âge. À la fois plante médicinale et condimentaire, elle illustre parfaitement le savoir botanique médiéval, où chaque espèce avait une fonction précise pour le bien-être et la spiritualité.

La Récolte de l’Hysope – Une Plante Clé des Jardins Médiévaux
Codex Vindobonensis, series nova 2644 – Tacuinum Sanitatis, folio 33r (1370-1400)
Cette enluminure extraite du Tacuinum Sanitatis, un traité médical d’origine arabe diffusé en Europe au Moyen Âge, représente la récolte de l’hysope, une plante médicinale essentielle dans les jardins médiévaux monastiques et aristocratiques.
L’hysope dans les jardins médiévaux
Une plante médicinale majeure
Cultivée dans le herbularius, l’espace dédié aux plantes médicinales dans les jardins monastiques, l’hysope (Hyssopus officinalis) était utilisée en médecine pour ses propriétés antiseptiques, expectorantes et digestives.
Elle était un ingrédient essentiel des infusions et décoctions médicinales destinées à traiter les infections respiratoires, les troubles digestifs et les plaies.
Une plante liée à la purification et au sacré
Son nom est mentionné dans la Bible comme une plante de purification rituelle, ce qui explique son importance dans les jardins des monastères.
Elle servait également à assainir l’air des infirmeries médiévales.
Analyse de la scène
Un jardin structuré et organisé
L’image montre un alignement ordonné d’hysope, typique des jardins médiévaux, où les plantes étaient cultivées en rangs bien entretenus.
À l’arrière-plan, un grand arbre renforce la profondeur et évoque la diversité des plantes médicinales.
Le rôle des femmes dans les jardins médiévaux
La scène illustre deux femmes récoltant soigneusement les branches d’hysope, soulignant le rôle des guérisseuses et des soignantes dans la préparation des remèdes à base de plantes.
L’une coupe les tiges avec un couteau, tandis que l’autre semble humer les feuilles, évoquant l’importance des propriétés aromatiques et médicinales de la plante.
L’hysope, un élément central du jardin médiéval
Utilisation dans la cuisine et la médecine
En plus de ses vertus thérapeutiques, l’hysope était utilisée comme condiment dans les plats médiévaux.
Elle aromatisait les viandes, les soupes et les vins médicinaux.
Présence dans les jardins aristocratiques et monastiques
L’hysope était souvent cultivée dans les jardins clos, symbole de protection et de maîtrise de la nature.
Elle faisait partie des plantes incontournables des jardins princiers et des cloîtres, servant à la fois de remède, de plante aromatique et de barrière naturelle contre les maladies.
Conclusion – Un savoir botanique médiéval transmis à travers les siècles
Cette enluminure témoigne du rôle fondamental des jardins médiévaux dans la conservation et la transmission du savoir médical et botanique. Elle met en lumière l’usage quotidien des plantes médicinales comme l’hysope, à la croisée entre science, spiritualité et pratiques agricoles.

La Vision de Sainte Hildegarde – Un Jardin Cosmique et Spirituel
Hildegarde de Bingen, Scivias, Codex illuminatus, vers 1180
Cette enluminure provient du Scivias, une œuvre visionnaire de Sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179), abbesse, théologienne et naturaliste médiévale. Elle illustre une vision cosmique de la création, où le lien entre spiritualité, nature et cosmos est omniprésent.
Une vision médiévale du jardin divin
L’univers comme un jardin spirituel
L’image représente un univers ordonné, où la nature et les éléments cosmiques sont intrinsèquement liés.
Au centre, un arbre symbolique sépare deux mondes : le divin et le terrestre, rappelant le concept du jardin clos médiéval (hortus conclusus), un espace protégé et structuré.
Les sphères célestes et terrestres
L’orbe solaire en haut symbolise Dieu et la lumière divine, irriguant toute la création.
Le jardin terrestre en bas à droite illustre le paradis perdu et l’homme déchu, un motif récurrent dans les jardins monastiques, où la nature est perçue comme un lieu de salut et de méditation.
Les éléments de la nature dans la spiritualité médiévale
Un jardin de savoir et de médecine
Sainte Hildegarde, première naturaliste médiévale, concevait le jardin comme un réceptacle du savoir et des bienfaits médicinaux.
Ses écrits sur la botanique et la médecine monastique influencèrent l’organisation des jardins de simples, espaces dédiés aux plantes médicinales dans les abbayes.
Les astres et la fertilité du monde
Les étoiles, fleurs célestes, se reflètent dans les plantes du jardin, témoignant de la conception médiévale de l’harmonie entre macrocosme (ciel) et microcosme (terre).
L’homme âgé à droite représente la déchéance physique et spirituelle, rappelant que l’homme, privé de l’harmonie paradisiaque, doit retrouver son équilibre par la nature et la foi.
Un modèle pour les jardins médiévaux
Le jardin monastique inspiré du divin
L’image illustre comment les monastères médiévaux organisaient leurs jardins selon une vision spirituelle et cosmique.
Ces jardins servaient à la fois de lieux de contemplation et de guérison, inspirés par les principes d’Hildegarde, qui voyait dans chaque plante une signature divine.
Un savoir transmis dans les monastères
Les abbayes suivaient ses principes en intégrant des jardins de simples (plantes médicinales), des vergers et des potagers dans leurs enclos clos.
La structure géométrique et symbolique de ces jardins reflétait la croyance en un ordre divin où l’homme pouvait se régénérer.
Conclusion – La nature comme révélation divine
Cette vision d’Hildegarde illustre la pensée médiévale selon laquelle le jardin n’est pas qu’un lieu terrestre, mais une métaphore du cosmos et du salut. Son influence sur les jardins monastiques et les pratiques médicinales perdure encore aujourd’hui, où son approche de la nature alliant spiritualité et science inspire toujours.

Récolte du safran – Une précieuse épice des jardins médiévaux
IBN BUTLÂN, Tacuinum Sanitatis, BNF, Ms. Latin 9333, folio 37v
Cette enluminure tirée du Tacuinum Sanitatis, un traité médical médiéval d’origine arabe, illustre la récolte du safran (Crocus sativus), une plante précieuse cultivée dans les jardins médiévaux, à la fois pour ses propriétés médicinales, culinaires et teinturières.
Le safran dans les jardins médiévaux
Un trésor cultivé dans les hortus conclusus
Le safran était une plante précieuse des jardins monastiques et princiers, souvent planté dans des parcelles dédiées aux plantes médicinales et aromatiques.
Sa culture nécessitait des sols bien drainés et un climat tempéré, ce qui explique sa rareté et sa grande valeur.
Vertus médicinales et usages thérapeutiques
Réputé pour ses propriétés digestives, sédatives et anti-inflammatoires, il était utilisé en infusion et en onguents pour traiter douleurs et insomnies.
Selon les connaissances transmises par Hildegarde de Bingen et d’autres médecins médiévaux, le safran était aussi considéré comme un tonique du cœur et un remède contre la mélancolie.
Une épice précieuse en cuisine
Le safran parfumait les plats médiévaux, notamment les bouillons, sauces et confiseries.
Sa rareté en faisait une épice de luxe, utilisée dans les banquets aristocratiques.
Utilisation dans la teinture
Ses stigmates rouges produisaient un colorant jaune d’or, employé dans les enluminures, textiles et teintures de la noblesse.
Conclusion – Un or rouge des jardins médiévaux
Cette enluminure illustre l’importance du safran dans la pharmacopée et l’économie médiévale, où les jardins étaient des centres de savoir, de soin et de spiritualité. Cultivé avec soin, il incarnait à la fois le luxe, la médecine et l’art, montrant comment la nature et la science se rejoignaient dans les jardins clos du Moyen Âge.

Gravure des jardins de Blois sous Louis XII (début XVIe siècle)
Source : Bibliothèque nationale de France, Département des estampes.
Une transition entre Moyen Âge et Renaissance
Cette gravure des jardins du château de Blois, réalisée sous le règne de Louis XII (1498-1515), illustre la mutation des jardins médiévaux vers les jardins de la Renaissance. Elle témoigne de la transition entre l’organisation médiévale, cloisonnée et fonctionnelle, et une nouvelle approche plus géométrique et esthétique.
Analyse et annotations du plan
Le château et ses espaces fortifiés
Le château, en rouge, conserve encore ses structures médiévales défensives avec ses remparts et ses tours.
La cour intérieure est un espace clos, caractéristique des châteaux du Moyen Âge.
Les jardins en mutation
À gauche du plan, un verger enclos rappelle les hortus conclusus médiévaux, où arbres fruitiers et cultures nourricières étaient protégés.
Au centre, on observe l’apparition d’un jardin de parterre organisé en carrés, annonçant l’influence italienne sur le jardin français de la Renaissance.
Les allées arborées et les bosquets montrent une volonté de domestiquer la nature et d’embellir le paysage, en opposition avec les jardins purement utilitaires du Moyen Âge.
Un jardin de prestige et de plaisir
Contrairement aux jardins médiévaux strictement fonctionnels (nourriture, plantes médicinales), les jardins de Blois commencent à intégrer des espaces de promenade et de contemplation.
L’influence de la symétrie et de la perspective, empruntée aux modèles italiens, se distingue dans l’agencement des allées et des espaces végétaux.
L’impact sur les jardins post-médiévaux
L’influence italienne et la Renaissance française
L’organisation en parterres géométriques et la présence de bassins et d’allées annoncent l’évolution vers les jardins à la française, tels que ceux d’André Le Nôtre au XVIIe siècle.
Un modèle pour les futurs jardins royaux
Ce type d’organisation sera perfectionné sous François Ier et Henri IV, influençant notamment les jardins de Fontainebleau et de Chenonceau.
La séparation entre espaces utilitaires (vergers, potagers) et espaces ornementaux devient plus marquée, ouvrant la voie aux grands jardins de plaisance.
Une esthétique qui perdure
L’idée d’un jardin structuré en terrasses et en perspectives, né à Blois sous Louis XII, devient un modèle dans toute l’Europe.
Les châteaux de la Loire en conserveront l’héritage, tout en y intégrant des éléments d’inspiration italienne et plus tard classique.
Conclusion – Le jardin de Blois, un tournant dans l’histoire des jardins
Entre Moyen Âge et Renaissance, le jardin de Blois incarne une transformation majeure : il n’est plus seulement un espace de culture et de survie, mais devient un élément de prestige et de mise en scène du pouvoir royal.

Les plans du Potager du Roi à Versailles (XVIIe siècle)
Source : École nationale supérieure de paysage, Versailles.
Un héritage des jardins médiévaux et monastiques
Le Potager du Roi, conçu par Jean-Baptiste de La Quintinie à partir de 1678 à la demande de Louis XIV, s’inscrit dans une tradition horticole héritée des jardins médiévaux et monastiques. Sa structure rigoureuse en carrés horticoles, ses allées ordonnées et l’intégration d’une gestion savante des cultures rappellent les principes de l’hortus conclusus médiéval.
Un modèle d’influence internationale
Ce potager servira de modèle pour les jardins de production en France et en Europe, poursuivant ainsi l’héritage des jardins médiévaux dans une approche plus rationnelle et systématisée.
Il inspire encore aujourd’hui les pratiques en permaculture et agriculture raisonnée, mettant en avant les principes d’association des cultures et de gestion des ressources hérités du Moyen Âge.
Conclusion – Un lien direct entre les jardins médiévaux et la modernité
Le Potager du Roi, bien qu’ancré dans l’esthétique et la rigueur de l’époque classique, reste un témoignage direct des savoirs et de l’organisation des jardins médiévaux.
Il illustre la continuité entre les pratiques monastiques du Moyen Âge et l’essor des jardins scientifiques sous Louis XIV, préfigurant les futurs jardins botaniques et agricoles de l’époque moderne.