Symbolique des fleurs au Moyen Âge : un langage sacré dans les tapisseries
- Ivy Cousin
- il y a 5 jours
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Résumé
Derrière la beauté des fleurs représentées dans les tapisseries médiévales se cache un langage visuel structuré et profondément enraciné dans la culture chrétienne et savante de l’époque. Dès le XIIIe siècle, dans un monde largement analphabète, les images prennent le relais du texte écrit. Les fleurs deviennent alors des signes : elles enseignent, évoquent, rappellent.
Au fil du temps, leur présence se densifie, notamment dans les tapisseries à mille-fleurs des XVe et XVIe siècles, produites à Paris, à Bruxelles ou dans les Flandres. Loin d’être de simples motifs décoratifs, ces tapisseries évoquent un jardin idéal composé de fleurs immédiatement reconnaissables pour l’homme médiéval : le lys, la rose, la violette, ou encore l’œillet. Chacune est dotée d’une signification morale, religieuse ou affective.
Pour comprendre cette symbolique florale, il faut remonter aux sources : la Bible, les Pères de l’Église, mais aussi les auteurs antiques comme Pline l’Ancien et Dioscoride. Le Moyen Âge lit les plantes comme des signes du divin. Le lys blanc évoque la Trinité, la Vierge et la pureté. La rose, ambivalente, oscille entre Passion du Christ et amour courtois. Les jardins monastiques, eux, matérialisent cette pensée symbolique dans leur organisation même, notamment à travers le motif du hortus conclusus, jardin clos marial.
Avec le temps, cette symbolique florale se propage à d’autres domaines : l’héraldique, la dévotion privée, et même la propagande politique. Le choix d’une fleur dans une tapisserie devient un acte chargé de sens : les commanditaires sélectionnent les motifs selon leur statut, leur foi, ou leur message à transmettre. L’iconographie de la Vierge au jardin ou des dames entourées de rosiers et de pensées s’impose dans les tentures de cour comme dans les donations religieuses.
La Renaissance n’efface pas cet héritage : elle l’enrichit d’un regard plus naturaliste. Grâce aux herbiers, aux jardins botaniques naissants et à l’humanisme, les fleurs représentées gagnent en précision et en variété. La symbolique perdure, mais s’ouvre à de nouvelles significations plus scientifiques, philosophiques ou personnelles. On passe d’un langage dogmatique à une esthétique du sensible.
Enfin, les inventaires royaux, les cartulaires monastiques, et les correspondances privées confirment l’importance des tapisseries fleuries dans la vie quotidienne, la prière, le pouvoir et le deuil. Chaque mention, chaque description témoigne d’un monde où le visuel est porteur de savoir, et où chaque fleur devient un mot tissé dans le fil de la mémoire.
Chapitre 01. Introduction
Symbolique des fleurs dans les tapisseries du Moyen Âge à la Renaissance
Derrière la douceur apparente des motifs végétaux qui ornent les tapisseries médiévales et renaissantes, se cache un langage visuel complexe, codifié, et profondément enraciné dans les mentalités de l’époque. Au fil des siècles, les fleurs tissées ne se limitent pas à leur fonction décorative ; elles deviennent porteuses de sens, s’inscrivant dans une culture visuelle où l’image ne montre jamais sans signifier. Dès le XIIIe siècle, dans un monde où peu savent lire, l’art se fait pédagogie. Comme l’écrit Émile Mâle, l’un des plus grands historiens de l’art religieux, « les images du Moyen Âge enseignent l’histoire du monde depuis sa création, les dogmes de la religion et les exemples des saints » – elles deviennent une forme d’Écriture visible, à déchiffrer selon un lexique symbolique partagé (Mâle, L’art religieux du XIIIe siècle, 1898).
Dans ce lexique, les fleurs occupent une place essentielle. Elles apparaissent dans les vitraux, les enluminures, les broderies, les sculptures, et bien sûr dans les tapisseries, avec des espèces immédiatement reconnaissables par l’homme médiéval : le lys blanc, emblème de la Vierge et de la royauté ; la rose, ambivalente, à la fois fleur mariale et symbole d’amour courtois ; la violette, discrète, associée à l’humilité. Ces fleurs stylisées et pourtant identifiables sont intégrées dans les œuvres non comme de simples motifs ornementaux, mais comme les composants d’un discours visuel. Le spectateur initié lit, au milieu des fils de laine et de soie, un message moral, spirituel, ou politique, inscrit dans les couleurs et les formes.
À la fin du Moyen Âge, cet usage prend une ampleur nouvelle avec le développement de ce que l’on appelle les tapisseries à mille-fleurs. Produites notamment dans les ateliers flamands et parisiens des XVe et XVIe siècles, ces tentures se caractérisent par un fond foisonnant, semé de petites fleurs disposées librement, sans organisation géométrique, évoquant un jardin idéal. Le Musée de Cluny conserve l’un des exemples les plus célèbres de ce type : La Dame à la licorne. Cette série de six tapisseries, datée des environs de 1500, montre une dame noble entourée d’une licorne et d’un lion, dans un décor luxuriant peuplé de fleurs et d’animaux. Plus de quarante espèces végétales y ont été identifiées par les chercheurs, parmi lesquelles l’ancolie, la pensée, le fraisier, l’œillet, la violette ou encore la digitale. Si chacune peut sembler décorative à première vue, leur présence n’est jamais anodine : elles renvoient à des vertus, des états d’âme, des symboles mystiques ou des codes amoureux. Ainsi, dans La vue, on remarque la présence d’un œillet rouge, traditionnellement associé à la fidélité conjugale, tandis que la pensée symbolise la méditation. Le fond mille-fleurs ne constitue donc pas un simple décor champêtre, mais un paysage mental, une carte de significations à décrypter.
La Renaissance n’interrompt pas cette tradition : elle la transforme. Sous l’influence de l’humanisme et de la redécouverte des textes antiques, les artistes s’ouvrent à une observation plus fine de la nature. Le motif floral gagne en naturalisme, et la précision botanique des représentations surprend encore aujourd’hui. Certains liciers du début du XVIe siècle s’inspirent directement d’herbiers médicinaux et d’études de botanistes, tels que ceux de l’école de Padoue ou du Jardin des simples à Paris. La fleur devient ainsi un objet à la fois esthétique, scientifique et symbolique. Dans cette volonté de comprendre et de classifier le vivant, le monde végétal devient un pont entre science naissante et traditions symboliques, un lieu d’équilibre entre contemplation et savoir. Comme l’a souligné la chercheuse Nicole Deslandes dans sa thèse consacrée à la flore dans l’art des derniers Valois, les fleurs figurées dans les œuvres tissées sont à la fois naturalistes et emblématiques, elles traduisent « un regard double, à la fois sensoriel et spirituel », propre à l’époque charnière où se croisent la fin du Moyen Âge et les débuts de la modernité (Deslandes, 2017, EPHE-PSL).
Ainsi, étudier la place des fleurs dans les tapisseries du Moyen Âge à la Renaissance, c’est pénétrer un univers où l’esthétique se confond avec le sens, où chaque tige, chaque pétale, chaque corolle, s’inscrit dans une vision du monde. C’est aussi suivre le fil d’une transmission culturelle où l’image devient langage, tissée d’intentions autant que de couleurs. Ce langage tissé, qui a traversé les siècles, nous parle encore aujourd’hui – à condition d’en retrouver les clés.
Après avoir mis en lumière la fonction structurante des fleurs dans les tapisseries médiévales et renaissantes, il est nécessaire d’élargir le regard pour comprendre les fondations historiques et culturelles de cette symbolique. Car si les fleurs apparaissent à ce point de manière récurrente dans l’art textile, c’est qu’elles s’inscrivent dans un système de pensée profondément enraciné dans les croyances religieuses, les traditions textuelles et les pratiques sociales du temps. Leur présence dans l’image résulte non seulement d’une volonté esthétique, mais aussi de mécanismes intellectuels et spirituels précis, issus d’un long héritage, depuis les auteurs antiques jusqu’aux encyclopédistes médiévaux. Pour saisir pleinement leur portée, il convient désormais de replacer cette symbolique florale dans le contexte plus large des mentalités médiévales et renaissantes. Le chapitre suivant s’attache ainsi à explorer ces racines, en retraçant les influences religieuses, philosophiques et scientifiques qui ont contribué à forger un véritable langage floral dans l’art visuel, et plus particulièrement dans la tapisserie.


Chapitre 02. Contexte historique et thématique
La richesse du langage floral dans les tapisseries du Moyen Âge et de la Renaissance ne peut se comprendre sans l’ancrer dans son terreau culturel, religieux et intellectuel. Chaque fleur, chaque tige tissée dans la trame d’une tenture s’inscrit dans un ensemble de significations hérité de traditions multiples, où se croisent les Écritures, les sciences naturelles, la liturgie, la littérature et les représentations du pouvoir. À travers ces multiples influences, le monde végétal s’est transformé en langage, et la tapisserie, en support de narration allégorique.
La première source d’inspiration de cette symbolique florale est religieuse. L’essor du culte marial à partir du XIIe siècle, couplé à une lecture allégorique de la Bible, a profondément modelé la perception des plantes dans l’imaginaire médiéval. Le lys blanc, que les théologiens ont tôt identifié au passage du Cantique des cantiques — « Je suis la fleur des champs et le lis des vallées » (Cantique 2,1) — devient ainsi le symbole par excellence de la pureté de la Vierge. Sa forme trilobée est interprétée comme une figuration de la Trinité, et sa blancheur éclatante est perçue comme le reflet de l’immaculée conception. Dans les enluminures, les vitraux et bien sûr les tapisseries, il accompagne fréquemment Marie dans les scènes d’Annonciation ou dans les jardins clos. La rose, quant à elle, revêt des significations multiples : rosa mystica dans les litanies mariales, elle évoque aussi la passion du Christ par sa couleur rouge, ou encore l’amour profane dans les récits courtois. Ces interprétations s’appuient sur les écrits des Pères de l’Église et des encyclopédistes médiévaux comme Isidore de Séville, qui dans ses Étymologies (VIIe siècle), classifie et commente la nature des plantes, leur vertu et leur usage symbolique.
À côté de cette tradition chrétienne, le Moyen Âge hérite d’un savoir plus ancien encore : celui des auteurs antiques. Pline l’Ancien, dans son Histoire naturelle, et Dioscoride, dans son De materia medica, décrivent avec minutie les propriétés médicinales et physiques des végétaux. Le lys, par exemple, selon Pline, pouvait être utilisé pour soigner les morsures de serpent, ce qui donna lieu, dans les interprétations chrétiennes, à des lectures allégoriques opposant le venin du péché à la pureté florale. Ces textes antiques, copiés et glosés dans les monastères, furent des sources constantes d’inspiration pour les herbiers médiévaux. Le Livre des propriétés des choses de Barthélemy l’Anglais, rédigé vers 1240, reprend ces savoirs et les enrichit d’une vision chrétienne du monde. Chaque plante devient alors un signe du plan divin, un pont entre la Création et le Salut.
Cette culture florale est également nourrie par l’imaginaire symbolique des bestiaires, où les animaux et les plantes, souvent représentés ensemble, participent à un système de significations morales. La licorne, créature à la fois fabuleuse et codée, n’apparaît ainsi qu’en présence d’une vierge, souvent assise sous un arbre fleuri. Cette scène, que l’on retrouve dans plusieurs tapisseries du XVe siècle, constitue une allégorie de l’Incarnation, où la vierge figure Marie, la licorne, le Christ, et l’arbre, la Croix. Le monde végétal y est donc pleinement intégré à une pensée théologique.
Les jardins monastiques, eux aussi, participent à cette lecture symbolique de la flore. Le motif du hortus conclusus, « jardin clos », est omniprésent dans les images de la Vierge au Moyen Âge. Il renvoie à un passage biblique souvent cité dans les sermons mariaux : « Tu es un jardin clos, ma sœur, mon épouse » (Cantique 4,12). Ce jardin, fleuri de lys, de roses, de pensées, de violettes et de muguets, devient la métaphore de la virginité, de l’humilité et des vertus chrétiennes. Les ordres religieux, notamment les Cisterciens et les Clunisiens, cultivent dans leurs cloîtres des plantes spécifiques mentionnées dans les traités horticoles et spirituels, comme le Capitulaire de Villis attribué à Charlemagne, qui fixe la liste des plantes à faire croître dans les jardins monastiques. Le symbolisme se nourrit alors de la pratique quotidienne : cultiver une fleur devient un acte spirituel, et sa représentation dans l’art une transcription de cette dévotion.
Du XIIe au XVe siècle, cette culture florale gagne en cohérence et en complexité. On parle même, dans certains cas, d’« héraldique végétale », tant l’association entre les fleurs et les identités nobles ou royales devient fréquente. Le semis de fleurs de lis sur fond azur, apparu sous Louis VII et officialisé par Philippe Auguste, devient l’emblème héraldisé des rois de France. Guillaume de Digulleville, moine bénédictin du XIVe siècle, compose en 1338 Le Dit de la fleur de lis, dans lequel il détaille la justification spirituelle et théologique du choix de cette fleur comme emblème royal : elle incarne la souveraineté divine, la pureté morale et l’origine céleste de la dynastie.
À la fin du Moyen Âge, avec l’influence de la Devotio Moderna, un courant de piété intérieure issu des Pays-Bas, l’imagerie religieuse devient plus intime. Les grandes fresques murales ou les tapisseries monumentales cèdent une partie de leur place à l’art du livre. Les marges des livres d’heures se couvrent de fleurs minutieusement peintes, parfois regroupées selon les saisons ou les vertus. Ces images, destinées à un usage privé, favorisent une approche plus contemplative de la nature, perçue comme un chemin vers Dieu. Les fleurs y sont représentées avec une grande exactitude botanique, comme en témoignent les Grandes Heures d’Anne de Bretagne (1503–1508), manuscrit dans lequel plus de trois cents espèces sont identifiées et légendées. Cette attention nouvelle portée à la diversité florale traduit l’émergence d’une sensibilité humaniste où la contemplation du monde devient source de connaissance et de spiritualité.
À la Renaissance, le langage floral évolue encore. Il ne disparaît pas, mais se transforme. On continue à lire dans les fleurs des messages allégoriques, comme en témoignent les Emblemata d’André Alciat publiés en 1531, qui associent devise, image et commentaire. Mais la lecture devient plus ouverte, plus polysémique. Les artistes de cour, en particulier ceux gravitant autour de François Ier, cherchent à éblouir. Dans les fresques, les plafonds, les tentures, les fleurs foisonnent dans un style plus ornemental, mais aussi plus naturaliste. Elles ne sont plus uniquement des symboles : elles deviennent aussi sujet d’étude, objets de fascination, fragments d’un monde à comprendre. La création des premiers jardins botaniques à Padoue (1545) ou à Montpellier (1593) accompagne ce mouvement. La fleur devient une intersection entre art, science et pouvoir.
Les archives royales et ecclésiastiques confirment l’importance de cette symbolique dans les décors tissés. L’Inventaire du mobilier de Charles V rédigé en 1379 et celui du duc de Berry entre 1413 et 1416 décrivent en détail les tapisseries possédées par ces princes. On y trouve de nombreuses mentions de tentures figurant des jardins, des verdures, des bestiaires fleuris, des scènes bibliques plantées de lys ou de roses. Jules Guiffrey, qui publia ces inventaires au XIXe siècle, relève par exemple que Jean de Berry possédait une tapisserie décrite comme « de verdure, à bestes et fleurs », offerte à l’occasion d’une fête religieuse. De même, certains cartulaires d’abbayes mentionnent le don d’une tenture « à images de la Vierge au jardin », destinée à orner le chœur lors des célébrations mariales. Ces pièces tissées, souvent somptueuses, témoignent d’un imaginaire où le monde végétal est partout, dans le sacré comme dans l’intime, dans l’apparat princier comme dans le silence des cloîtres.
À la croisée des croyances, des savoirs et des pratiques, les fleurs dans les tapisseries incarnent ainsi une pensée en images. Elles relèvent d’une culture symbolique partagée, lisible par les contemporains, et façonnée par les strates de l’histoire intellectuelle de l’Occident. À mesure que l’art du fil s’affine, leur présence se densifie. Elles ne sont pas seulement les ornements d’un décor, mais les mots d’un langage. Un langage à lire, à méditer, à déchiffrer, à la manière d’une prière silencieuse.
Une fois posés les fondements historiques et doctrinaux qui ont façonné la symbolique florale dans l’imaginaire collectif, il devient possible d’en observer les déclinaisons concrètes dans les œuvres. Le passage du discours théorique à la réalisation artistique s’opère dans les ateliers de l’Europe médiévale et renaissante, où les liciers transforment les principes allégoriques et les traditions spirituelles en motifs visuels minutieusement tissés. Le chapitre suivant propose d’examiner les manifestations tangibles de ce langage floral à travers plusieurs œuvres représentatives, en analysant comment les tapisseries — tant religieuses que profanes — ont donné corps à ces symboles. De la célèbre série de La Dame à la licorne aux grandes tentures narratives à vocation liturgique ou princière, il s’agira de suivre le fil de cette expression textile, en mettant en lumière les espèces végétales choisies, leur emplacement dans la scène et la portée qu’elles revêtaient aux yeux des contemporains. Cette lecture incarnée permettra de comprendre comment, dans le tissage, les idées prennent forme et deviennent visibles.


Chapitre 03. Manifestations dans l’Histoire
Dans les tapisseries tissées entre la fin du Moyen Âge et la Renaissance, les fleurs occupent une place si prégnante qu’elles ne peuvent être considérées comme de simples motifs décoratifs. Elles participent pleinement de la narration visuelle et de la signification symbolique des scènes représentées. Cette fonction s’observe de manière exemplaire dans les grandes tentures allégoriques ou religieuses produites dans les ateliers flamands et parisiens entre le XIVe et le XVIe siècle, où chaque fleur choisie est un élément de langage, compris du spectateur contemporain comme un message moral, spirituel ou politique.
L’un des ensembles les plus connus de la fin du Moyen Âge, conservé au musée de Cluny à Paris, est celui de La Dame à la licorne. Tissée autour de 1500, probablement dans les Flandres, cette série de six tapisseries présente une dame noble entourée d’animaux héraldiques et d’une végétation foisonnante. Sur chaque panneau, un fond de mille-fleurs recouvre entièrement le champ textile, peuplé de plantes identifiables telles que le fraisier, l’œillet, la pensée, la marguerite ou encore le muguet. Les recherches iconographiques menées depuis le XIXe siècle, et notamment les analyses du conservateur Jules Guiffrey, ont révélé que plus de quarante espèces végétales différentes pouvaient être reconnues. Si certaines de ces plantes évoquent le cycle des saisons ou la nature idéalisée, la majorité renvoie à un système de valeurs ou de vertus morales. Ainsi, dans la tapisserie intitulée À mon seul désir, le myosotis, placé à proximité de la figure féminine, symbolise le souvenir amoureux, tandis que la pensée, fleur discrète mais centrale dans la composition, est traditionnellement associée à la méditation spirituelle et à la loyauté du cœur.
Ces tapisseries à fond mille-fleurs s’inscrivent dans une tradition décorative qui remonte au XIVe siècle mais qui atteint sa maturité technique et symbolique dans la deuxième moitié du XVe siècle. Les ateliers flamands, tels ceux de Tournai ou de Bruxelles, jouèrent un rôle majeur dans cette production. Les grandes cours princières, à commencer par celle des ducs de Bourgogne, commandaient régulièrement des tentures aux motifs floraux chargés de sens. Dans les registres du Trésor de la Toison d’Or, on retrouve mention d’une tapisserie « à fond de vergier semé de fleurs et d’arbres », acquise en 1467 pour orner la salle de réception du palais de Bruges à l’occasion d’un mariage ducale. Le motif floral y accompagne un récit mythologique, renforçant l’idée que les fleurs servent de décor autant que de clef de lecture symbolique.
Un autre exemple remarquable se trouve dans la Tenture de la Vie de la Vierge, commandée par le cardinal Jean Rolin vers 1450 pour la cathédrale d’Autun. Composée de plusieurs pièces, cette série raconte la vie de Marie depuis sa naissance jusqu’à son Assomption. On y remarque un emploi systématique de plantes identifiables insérées dans les scènes. Dans l’épisode de l’Annonciation, Marie est représentée dans un jardin clos orné de lis, de roses et de violettes, chacun étant soigneusement tissé avec un degré de détail qui rappelle les modèles botaniques de l’époque. Cette tapisserie s’inspire très directement des textes liturgiques, notamment les Litanies mariales, et fait écho aux sermons dominicains du XVe siècle, dans lesquels chaque fleur devient un attribut de la Vierge : la rose sans épines évoque sa conception immaculée, le lis sa virginité, et la violette son humilité. Le jardin de Marie, dans cette composition textile, devient une théologie tissée, comme l’écrit Nicole Deslandes dans sa thèse consacrée à la symbolique florale dans l’art des derniers Valois (Deslandes, 2017, EPHE-PSL).
Au-delà de l’univers religieux, les tapisseries de thème profane exploitent également le langage floral avec finesse. Dans les représentations courtoises ou mythologiques, les fleurs deviennent messagères d’émotions, médiatrices de relations idéales ou symboles de vertus aristocratiques. La rose rouge y exprime l’amour charnel ou passionné, parfois tempéré par la présence d’un œillet, fleur de fidélité et de constance. Cette tension entre sensualité et idéalisation se retrouve dans des tentures comme La tenture de Psyché, réalisée pour la reine Catherine de Médicis dans les années 1570, où la végétation abondante entoure les scènes d’un récit inspiré d’Apulée, tout en mettant en scène un jardin d’amour dans lequel chaque espèce florale semble codifiée selon une symbolique raffinée.
Cette association étroite entre flore et message se retrouve également dans les documents d’archives. Les Inventaires du duc Jean de Berry, rédigés entre 1413 et 1416, décrivent avec minutie les tapisseries figurant des jardins paradisiaques. Dans l’un des inventaires conservés aux Archives nationales, on peut lire : « Item, une tapisserie où sont brodées des bestes et maintes fleurs diverses, semblant vergier, pour mettre en la chambre de madame » (AN, coll. B, vol. 357). Ces descriptions précises attestent l’intention des commanditaires d’entourer leurs espaces de représentations du monde végétal idéalisé, où le raffinement des espèces tissées reflète non seulement leur goût, mais aussi leur volonté d’habiter un univers symbolique.
À travers ces exemples, il apparaît que la fleur, dans la tapisserie, n’est jamais gratuite. Elle est un mot dans une phrase, un signe dans un système, un trait de lumière dans un récit. Qu’elle soit encadrée dans un jardin clos, semée librement sur un fond mille-fleurs ou sertie dans une scène mythologique, elle agit comme un marqueur de sens. Elle guide le regard du spectateur vers l’essentiel, vers la vertu célébrée, la figure honorée ou le message transmis. C’est ce qui fait de la tapisserie un art du fil et du signe, où le monde végétal, domestiqué par la main du licier, devient un livre à lire autant qu’une œuvre à contempler.
Les exemples de grandes tapisseries étudiés dans le chapitre précédent ont permis de dégager les grands axes de la présence florale dans les œuvres textiles. Toutefois, au-delà des compositions monumentales et des cycles narratifs majeurs, un autre pan de la symbolique florale s’exprime à travers des témoignages ponctuels, souvent plus discrets mais non moins significatifs. Ces occurrences, relevées dans les archives princières, les cartulaires monastiques, les correspondances privées ou les inventaires royaux, révèlent les usages pratiques, les commandes spécifiques et les intentions particulières qui ont guidé la création et l’usage de tapisseries à motifs floraux. Le chapitre suivant s’attache ainsi à restituer ces cas singuliers, éclairés par des anecdotes documentées et rigoureusement sourcées, qui viennent nuancer et compléter la lecture générale du phénomène. À travers ces récits contextualisés, on accède à une compréhension plus fine de la fonction sociale, politique et dévotionnelle de la fleur dans la tapisserie.


Chapitre 04. Exemples notables et anecdotes historiques
Si la symbolique florale dans la tapisserie trouve son expression dans des compositions générales ou des ensembles allégoriques, elle se révèle aussi de manière plus intime et circonstanciée dans les récits concrets des commandes, des dons ou des usages documentés. Ces anecdotes, souvent conservées dans les registres d’inventaires, les correspondances princières ou les cartulaires d’institutions religieuses, éclairent la portée culturelle et spirituelle des fleurs tissées. Chaque mention précise, chaque description soigneusement rédigée devient un témoignage du regard que les contemporains portaient sur ces motifs, et de l’importance qu’ils leur accordaient.
L’un des exemples les plus significatifs se trouve dans l’Inventaire du duc Jean de Berry, dressé entre 1413 et 1416. Ce prince, grand mécène des arts, possédait un nombre impressionnant de tapisseries, dont plusieurs mettent en scène des compositions florales détaillées. Parmi celles-ci figure une tenture décrite comme représentant « la Vierge en ung jardin clos, à grant foison de fleurs, entre aucunes bestes douces ». Cette mention, extraite du registre B de la série des comptes du duché (Archives nationales, coll. B, vol. 357), montre clairement que les fleurs ne sont pas reléguées au décor mais qu’elles forment le cœur de la scène, un jardin paradisiaque où la présence de Marie renforce la lecture allégorique. Le jardin clos, ou hortus conclusus, n’est pas ici une métaphore abstraite, mais un motif visible, reconnaissable, codifié, destiné à être perçu comme une manifestation de la pureté et de la virginité mariale. Jean de Berry, fin connaisseur des symboles, avait fait de ce type d’iconographie un élément central de ses décors, et plusieurs pièces similaires apparaissent dans son mobilier textile.
D’autres documents révèlent des usages plus personnels et parfois politiques de la tapisserie florale. En 1389, Isabeau de Bavière, jeune reine de France, commande une tenture à motifs de pivoines et de lys destinée à orner la salle des dames du palais royal de l’hôtel Saint-Pol. Le registre de paiement des Bâtiments du roi mentionne expressément cette pièce, décrite comme « de fleurs vermeilles et blanches, bien fournies et ouvrées de soye » (AN, KK 65, fol. 24v). L’association des deux fleurs, la pivoine pour la prospérité conjugale et le lys pour la royauté et la virginité, illustre une construction savante de l’image de la souveraine : entre fécondité dynastique attendue et pureté morale affichée, la tapisserie devient ici un instrument de représentation du pouvoir féminin. Le choix des fleurs, loin d’être laissé au hasard, obéit à une stratégie visuelle conçue pour les visiteurs du palais.
Les donations religieuses fournissent elles aussi des témoignages précieux. Dans le cartulaire de l’abbaye bénédictine de Saint-Florent-lès-Saumur, une charte datée de 1267 rapporte la réception d’une tapisserie offerte par une noble dame du diocèse d’Angers. Celle-ci est décrite comme « représentant nostre dame en paradis, en l’enclose d’un jardin, assise entre rosiers et lys, entourée de colombes et d’agneaux » (Cartulaire de Saint-Florent, ms. 447, BnF, fol. 132r). Cette œuvre textile, offerte pour l’autel de la Vierge, s’inscrit pleinement dans la tradition iconographique du jardin marial. Le choix des fleurs – roses rouges et lys blancs – ancre visuellement la scène dans les textes liturgiques et les litanies mariales. L’acte de donation précise que cette tapisserie devait être suspendue lors des fêtes de l’Assomption, soulignant sa fonction liturgique et symbolique. Le tissu devient alors un objet sacré, porteur d’un message doctrinal autant que d’une beauté ornementale.
Un autre exemple significatif apparaît dans les lettres de Catherine de Médicis, conservées aux Archives nationales, où la reine évoque les décors floraux de ses résidences. Dans une lettre adressée à son intendant, datée de juin 1572, elle demande que l’on place dans sa galerie de Chenonceau « la tapisserie à mille fleurs, celle où sont les pensées et les violettes que le roi a toujours aimées ». Cette remarque, à première vue anodine, révèle en réalité un attachement affectif à certaines fleurs, associées ici à la mémoire du roi défunt. Dans ce contexte, la pensée symbolise le souvenir fidèle, et la violette, l’humilité. Ces fleurs, par leur présence tissée, prolongent la présence aimée, inscrivent la mémoire dans l’espace domestique et affectif. La tapisserie devient un support de deuil et de dévotion discrète, dans un langage que seuls les initiés peuvent pleinement comprendre.
Enfin, certaines mentions dans les chroniques révèlent que des tapisseries à motifs floraux servaient également à accompagner des moments de célébration publique. Lors du mariage de Charles d’Angoulême et Louise de Savoie en 1488, les registres de la cour rapportent l’installation, dans la grande salle du château d’Amboise, de tapisseries « où les rosiers chargés de fleurs se meuvent à l’entour d’un jardin de verdure, avec colombes et lions assis » (Bibl. mun. d’Amboise, ms. 13, fol. 52). Ce décor, à la fois élégant et chargé de significations, évoquait à la fois l’amour nuptial, la fidélité et la puissance protectrice. La rose, centrale dans la composition, rappelait l’union, mais aussi les vertus que les époux devaient incarner. Ces tentures, plus que des ornementations festives, étaient des messages tissés, visibles par tous les invités, et porteurs d’un discours implicite sur la nature du mariage et l’harmonie attendue dans l’union des familles.
À travers ces exemples concrets, extraits des archives royales, des cartulaires monastiques ou des correspondances privées, la fonction de la fleur dans la tapisserie se précise. Elle agit comme un vecteur de mémoire, d’allégeance, de prière ou d’expression politique. Elle est le signe d’un monde tissé de symboles, où le regard devait lire autant qu’admirer, comprendre autant qu’éprouver. Chaque fleur inscrite dans la laine ou la soie devenait un mot silencieux, une pensée figée dans le fil, mais toujours en dialogue avec son temps.
Les anecdotes historiques présentées précédemment, issues de sources fiables et diversifiées, ont mis en évidence la pluralité des usages et des intentions liés à l’emploi de motifs floraux dans les tapisseries. Qu’elles soient liées à des contextes politiques, familiaux ou spirituels, ces pièces témoignent de la densité du langage symbolique qui imprègne l’art textile de la période. Cette traversée entre pratiques artistiques, dévotions privées et célébrations officielles invite désormais à récapituler les enseignements majeurs qui se dégagent de cette étude. Le chapitre conclusif propose de rassembler les éléments analysés, en les resituant dans une perspective d’ensemble, sans interprétation personnelle, mais avec l’ambition de montrer la cohérence du système symbolique déployé dans la tapisserie. Ce dernier regard, appuyé sur les faits établis, permet de mesurer combien le motif floral, loin d’être décoratif, se révèle fondamental dans la construction visuelle, théologique et sociale de l’image médiévale et renaissante.


Chapitre 05. Conclusion
À l’issue de ce parcours à travers les motifs végétaux des tapisseries du Moyen Âge et de la Renaissance, une évidence s’impose : les fleurs tissées ne relèvent jamais du hasard. Elles constituent les éléments d’un langage visuel complexe, minutieusement orchestré, enraciné dans les textes, les rites et les pratiques d’un monde pour lequel chaque image portait sens. Le fil, tendu sur le métier du licier, devenait ainsi l’instrument d’un discours symbolique dont les contemporains savaient décrypter les codes. Les lys, les roses, les pensées, les violettes ou les œillets n’étaient pas seulement des ornements : ils étaient des signes, inscrits dans une grammaire iconographique partagée.
Les exemples analysés, qu’ils relèvent de la grande commande princière comme celle de Jean de Berry ou de donations pieuses comme celles relevées dans les cartulaires d’abbayes, attestent d’un usage constant et maîtrisé de la flore dans les tapisseries. Dans les inventaires royaux du XIVe et XVe siècles, les descriptions précises de tentures à bestiaire et fleurs révèlent une conscience aiguë de la valeur narrative de ces objets. Jules Guiffrey, dans son édition de l’Inventaire du mobilier de Charles VI (BnF, BEC, 1887), relève par exemple que les tapisseries de chambre représentant « dames en vergier avec rosiers, lis et violettes » étaient suspendues selon les fêtes religieuses, adaptant ainsi le message visuel aux cycles liturgiques.
La tapisserie devient, au fil des siècles, un livre sans texte, mais empli de signes. On n’y lit pas avec les yeux d’un lecteur moderne, mais avec la sensibilité d’un regard initié, attentif aux correspondances entre monde naturel et vérité spirituelle. Le jardin clos de la Vierge, tissé en soie et en laine, n’est pas qu’une métaphore biblique : il est rendu visible, palpable, décorant un mur de chœur, une chambre princière, une salle de mariage. Il instruit autant qu’il émerveille. Les fleurs, intégrées à ce dispositif, incarnent une pensée théologique, un ordre moral ou une mémoire affective. Comme le rappelle Nicole Deslandes, « la pensée florale médiévale articule l’allégorie théologique à la contemplation sensible » (Deslandes, Iconographie et dévotion au temps des derniers Valois, 2017).
La Renaissance ne brise pas cet héritage, mais en infléchit l’usage. À travers les livres d’heures, les traités d’emblèmes et les tentures humanistes, la symbolique florale se fait plus polymorphe, intégrant les savoirs botaniques, les traditions antiques et les fastes des cours princières. Dans les correspondances de Catherine de Médicis, dans les décors de fêtes royales ou dans les fresques inspirées par l’Italie, les fleurs continuent de dire, de suggérer, de porter sens, tout en fascinant par leur rendu naturaliste.
La tapisserie, dans ce contexte, se distingue des autres arts visuels par sa capacité à envelopper l’espace d’un récit silencieux. Elle habille, mais aussi elle raconte. Elle décore, mais toujours avec intention. Le monde qu’elle figure, saturé de fleurs, est un monde pensé, prié, offert, habité. Chaque fil de soie teinté, chaque contour d’une feuille, chaque pétale répété sont les vestiges d’un langage disparu, mais encore lisible, à condition d’en reconstituer les clefs.
Ainsi, la symbolique des fleurs dans les tapisseries ne relève ni d’un art naïf ni d’un simple plaisir visuel. Elle témoigne d’un système de pensée où l’image sert à instruire, émouvoir, rappeler. Dans un monde où la culture visuelle était fondamentale, ces compositions florales jouaient un rôle majeur, au croisement de la foi, du pouvoir, de la mémoire et du goût. Ce langage tissé, que nous redécouvrons aujourd’hui, était alors aussi clair pour le spectateur qu’un vers de psaume ou qu’une devise héraldique. Il faisait de chaque tenture un texte silencieux, suspendu aux murs du sacré comme du profane.















La Dame à la Licorne – Le Goût
c. 1500, laine et soie – Musée de Cluny, Paris
Cette tapisserie, l'une des six pièces de la célèbre série de La Dame à la licorne, illustre avec éclat le raffinement des tapisseries à fond mille-fleurs du tournant du XVe siècle. Sur un fond rouge semé de fleurs minutieusement tissées, la composition met en scène une dame noble, accompagnée d’un lion et d’une licorne tenant des bannières aux armoiries identiques. Le panneau illustre la notion du goût, allégorie des cinq sens, à travers la gestuelle de la dame nourrissant un oiseau perché sur sa main. Autour d’elle, une profusion végétale évoque un jardin symbolique, où chaque fleur, chaque plante participe à une grammaire visuelle codifiée propre au monde médiéval.
Annotations de recherche
Mille-fleurs : Style typique des tapisseries flamandes de la fin du Moyen Âge, caractérisé par un semis dense de fleurs sur fond uni (ici, rouge). On y reconnaît ici pensées, œillets, violettes, marguerites, ancolies, digitales, lys et fraisiers, chacun chargé d’une valeur morale ou spirituelle.
Codification symbolique :
Pensée : méditation, fidélité du cœur
Œillet : fidélité conjugale
Violette : humilité
Fraisier : fécondité, innocence
Animalité symbolique :
Licorne : pureté, incarnation du Christ
Lion : courage, noblesse
Composition circulaire : évoque l’enclos du hortus conclusus, jardin clos marial associé à la Vierge.
Utilisation didactique de l’image : dans une société où peu savent lire, chaque élément visuel devient un mot, chaque fleur un message : on lit la tapisserie comme un texte.
Source :
➤ Notice du Musée de Cluny

Flandres ou France, XVIᵉ siècle – Musée de la Chasse et de la Nature, Paris
Ce fragment de tapisserie à fond mille-fleurs illustre avec finesse le raffinement des compositions végétales des liciers de la fin du Moyen Âge. Tissée en laine, la scène représente un bestiaire discret (renard et oiseau) au cœur d’un parterre foisonnant de fleurs stylisées, où chaque plante semble flotter sur un fond sombre sans ligne de sol ni perspective. À la fois décorative et codée, cette tapisserie met en œuvre une iconographie symbolique issue des traditions morales, religieuses et botaniques du temps. Les fleurs, ordonnées mais libres, évoquent un jardin idéal, propice à la contemplation et à l’interprétation.
Annotations de recherche
Mille-fleurs : Technique décorative développée dans les Flandres au XVe siècle, caractérisée par un semis dense de fleurs isolées, sans composition hiérarchique.
Symbolisme floral :
Fraises rouges : pureté, innocence, mais aussi sensualité selon les contextes
Campanules et digitales : prières et vertus médicinales
Fleurs bleues stylisées : souvent associées à la fidélité et à la Vierge
Bestiaire discret :
Renard : ruse ou tentation selon la tradition morale chrétienne
Oiseau (perdrix ou colombe) : âme, fidélité ou message divin
Sources d’inspiration :
Gravures allemandes du XVIᵉ siècle (notamment celles issues de l’école de Nuremberg)
Herbiers enluminés et livres d’heures
Usage : outre leur fonction décorative, ces tapisseries protégeaient du froid et servaient de support visuel pour une lecture symbolique silencieuse, particulièrement dans les chambres privées ou les salles de réception princières.
Sources :
➤ Musée de la Chasse et de la Nature – Paris
➤ Recherches sur les Tapisseries mille-fleurs dans : Nicole Deslandes, Iconographie et dévotion au temps des derniers Valois, EPHE-PSL, 2017
➤ Catalogue de l’exposition La tapisserie en France à la Renaissance – Musée des Beaux-Arts de Tours, 2012

Simone Martini & Lippo Memmi, Annonciation entre les saints Ansan et Marguerite, 1333
Tempéra et or sur bois – Galerie des Offices, Florence
Signée et datée, cette œuvre est un chef-d’œuvre du gothique international. La scène centrale représente l’Annonciation, moment-clé de l’iconographie chrétienne, avec une attention particulière portée au langage symbolique. L’archange Gabriel, agenouillé, tend un rameau de lys blancs à la Vierge Marie, assise en retrait. Ce geste visuel traduit la pureté de Marie, sa virginité et sa prédestination divine. L’arrière-plan d’or et les délicats motifs floraux rehaussent la solennité de la scène tout en introduisant un vocabulaire végétal codifié.
Annotations de recherche
Le lys blanc :
Apparaît dès le XIIe siècle dans les scènes d’Annonciation.
Interprété comme la fleur des vallées du Cantique des Cantiques (« Je suis la fleur des champs et le lys des vallées » - Ct 2,1).
Dans la tradition chrétienne, il symbolise la pureté, l’innocence et la Trinité (trois pétales visibles).
Origines de la symbolique :
Racines scripturaires : Pères de l’Église (Ambroise, Jérôme), exégèse allégorique médiévale.
Influence du Livre des Propriétés des Choses de Barthélemy l’Anglais (c. 1240).
Codification dans la Légende dorée de Jacques de Voragine (c. 1260) : Gabriel offre trois lys à Marie – symbole de chasteté, de lumière et d’obéissance.
Contexte de création :
Commande pour la cathédrale de Sienne (ancienne résidence épiscopale de Simone Martini).
L’Annonciation devient au XIVe siècle un thème prédominant des autels privés ou publics, soulignant la piété mariale croissante dans les États pontificaux et les républiques marchandes italiennes.
Usage floral dans l’art marial :
Outre le lys, les roses, violettes et jasmins sont fréquemment présents dans les scènes d’Annonciation ou de jardin clos (hortus conclusus).
Ce vocabulaire floral est repris dans les tapisseries à fond religieux dès le XVe siècle, notamment dans les ateliers flamands.
Sources :
➤ Gallica – Traductions médiévales de la Légende dorée
➤ Nicole Deslandes, Iconographie et dévotion au temps des derniers Valois, EPHE-PSL, 2017
➤ Walter Cahn, Romanesque Bible Illumination, Princeton University Press, 1982
➤ Giovanni Morello, L’iconographie mariale à la Renaissance, Milan, 2000

Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne – Folio enluminé (In principio erat Verbum)
Bibliothèque nationale de France (BnF) – Gallica | Vers 1503–1508
Ce folio introduit l’Évangile selon saint Jean dans un encadrement foisonnant de fleurs, insectes et papillons, représentés avec un naturalisme minutieux. Cette enluminure témoigne de l’influence conjointe de l’humanisme, de la spiritualité mariale et des herbiers médicinaux. Œillet, camomille, paquerette d’eau, ainsi que des insectes choisis (chenilles, coccinelles, papillons) ponctuent le texte sacré d’un langage symbolique codé.
Réalisé pour la reine Anne de Bretagne par Jean Bourdichon, cet ouvrage mêle contemplation botanique et piété quotidienne. Il incarne la synthèse entre science, art et foi à l’aube de la Renaissance française.
Annotations complémentaires
Œillet rouge (Dianthus) : Fleur mariale et christique, associée à la Passion du Christ, mais aussi à l’amour conjugal dans le contexte courtois.
Paquerette d’eau (Bellis perennis) : Symbole d’innocence, de résurrection et de pureté.
Camomille (Matricaria chamomilla) : Plante médicinale associée à la force intérieure, à la constance, très présente dans les cloîtres.
Papillons et insectes : Manifestations allégoriques de l’âme, de l’espérance, ou de la transformation spirituelle.
Inspiration : Fortement influencée par les herbiers et la tradition botanique des jardins monastiques.
Fonction : Encadrement propice à la méditation visuelle du texte sacré – chaque fleur renforce la lecture spirituelle.
Sources
BnF Gallica, Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne, ms. Latin 9474, fol. 17. Consultable ici
Nicole Deslandes, Iconographie et dévotion au temps des derniers Valois, thèse EPHE-PSL, 2017.
Pastoureau, Michel. L’herbier médiéval. Une histoire botanique et symbolique, Paris, Éditions Seuil, 2001.
Camille Serchuk, “The Grandes Heures of Anne of Brittany: Political Devotion and Personal Piety”, Gesta, vol. 38, n°2, 1999, pp. 147–158.
Bourdichon, Jean. Heures d’Anne de Bretagne, éd. fac-similé, Bibliothèque nationale de France, 2009.

Tenture de la Vie de la Vierge – Rencontre à la Porte dorée
Anciennement cathédrale d’Autun, aujourd’hui conservée au Palais du Tau, Reims (France)
Vers 1450 – Tapisserie commandée par Jean Rolin, cardinal d’Autun
Cette tapisserie représente la scène de la rencontre entre sainte Anne et saint Joachim à la Porte Dorée de Jérusalem, moment emblématique de la conception immaculée de Marie. La scène centrale est bordée de phylactères en français médiéval explicitant la scène, et encadrée d’un jardin clos aux espèces symboliques. Lis (pureté mariale), violettes (humilité), roses (grâce et passion divine) ponctuent le décor, tissés avec précision. Le fond orné et les silhouettes élancées révèlent l’influence des ateliers flamands du XVe siècle.
Annotations complémentaires
Lis blancs : Allusion directe à l’Annonciation et à la virginité de Marie ; insérés dans des corbeilles ou en lisière de jardin.
Violettes : Placées au pied des figures féminines pour rappeler l’humilité des personnages bibliques.
Roses rouges : Présentes dans la partie inférieure, elles symbolisent la Passion du Christ et la mission rédemptrice de Marie.
Jardin clos (hortus conclusus) : Structure florale délimitée par un mur symbolique, image traditionnelle de la virginité de la Vierge.
Inscription bas-de-page : “Ainsi que estoit Dieu préordonnée / Pour aux humains donner redemption” – relie la scène à la théologie médiévale de l’Immaculée Conception.
Sources
Pastoureau, Michel. L’étoffe du pouvoir. La symbolique médiévale dans la tapisserie, Paris, Le Léopard d’Or, 2004.
BnF – Dossier iconographique sur les tapisseries religieuses du XVe siècle, consultable via Gallica.
Nicole Deslandes, Iconographie et dévotion au temps des derniers Valois, thèse EPHE-PSL, 2017.
Base Palissy (Ministère de la Culture) – Notice n°PM51000174 : Tapisserie de la Vie de la Vierge, Palais du Tau, Reims.
Gauthier, Marie-Madeleine. Les tentures narratives du XVe siècle en France, Paris, CNRS éditions, 1985.
Source image : Domaine public, via Wikimedia Commons, fichier Anne et Marie 04260.JPG – Téléversé le 11 mai 2014.

Tenture de la Fable de Psyché – La toilette de Psyché
Musée national et domaine du château de Pau
Pieter Coecke van Aelst (carton d’après L’Âne d’or d’Apulée), tissée à Paris, Faubourg Saint-Germain
Laine, soie, fils d’or et d’argent – Vers 1660, 3,05 m x 3 m
Cette tapisserie somptueuse, inspirée du roman L’Âne d’or d’Apulée, illustre une scène de la toilette de Psyché, princesse mythique dont la beauté trouble l’ordre divin. Dans cette scène, située dans un intérieur princier, l’usage symbolique des éléments végétaux se manifeste par un tapis fleuri stylisé, des urnes ornementées et des brocarts végétalisés. Les fleurs brodées au sol et les feuillages intégrés aux bordures rappellent les motifs mille-fleurs médiévaux tout en adoptant le raffinement iconographique du XVIIᵉ siècle.
Annotations complémentaires
Motifs floraux du sol : Inspirés de la tradition mille-fleurs, les petites fleurs brodées figurent la richesse du palais mais peuvent aussi être interprétées comme symboles allégoriques de l’âme (Psyché signifiant “âme” en grec).
Couleurs des robes : Les tonalités précieuses (bleu céleste, rouge pourpre, or) se combinent à des motifs floraux tissés dans les textiles vestimentaires, créant une cohérence visuelle avec la thématique mythologique.
Symbolisme général : Le cadre florissant et raffiné reflète la délicatesse de l’âme en éveil, tandis que la scène intime annonce le basculement de Psyché vers la révélation du divin (Cupidon), dans une tension entre chair et transcendance.
Allusion biblique inversée : Le lit en baldaquin rappelle certaines Annonciations mariales ; ici, la scène profane transpose une quête d’union spirituelle par la voie mythologique.
Sources
Gallica BnF – Tenture de Psyché (Inventaire du Mobilier National, section Tapisseries, Paris, XVIIe siècle)
Catalogue officiel du musée national du Château de Pau, Ministère de la Culture, notice n°PAU.MNC.1854.2
Apulée, L’Ane d’Or ou les Métamorphoses – Traduction critique, Les Belles Lettres, 2021
Nicole Dacos, La Villa Farnesina à Rome, CNRS Éditions, 1995 – Analyse du cycle iconographique de Psyché dans la peinture
Pastoureau, Michel. Le tissu et l’image : histoire et symbolique de la tapisserie, Paris, Éditions du Léopard d’or, 2001.
Base Joconde – Ministère de la Culture, inventaire national des œuvres textiles

Page extraite de l’introduction à l’inventaire de 1416 du duc Jean de Berry, édité par Jules Guiffrey, mentionnant des pièces textiles de prestige à motifs floraux et animaliers. On y lit notamment la description d’un dossiel en drap de laine, brodé de bêtes, oiseaux et fleurettes, qualifié d’"ouvrage de Grèce" et offert par l’empereur de Constantinople. Ces ornements ne sont pas seulement décoratifs, ils traduisent une richesse codée, propre à l’esthétique médiévale du jardin clos symbolique et aux motifs mariaux. Ces éléments sont répertoriés dans l’article SG 791, et rattachés à un vaste corpus de tentures décrites entre les articles SG 1 à 142 et 531 à 556, consacré aux tapisseries religieuses, florales ou historiées du duc.
Annotations de recherche – CHAPITRE 04 :
Source primaire : Inventaires de Jean, duc de Berry (1413–1416), édité par Jules Guiffrey, Paris, 1896.
Gallica BnF :
Mention étudiée : Introduction, page CVII (107). Référence du dossiel dans SG art. 791.
Typologie : Broderies sur drap de laine – motifs de bêtes, oiseaux et fleurettes, œuvre textile qualifiée d’ouvrage de Grèce.
Provenance : Don diplomatique, Empereur de Constantinople → Duc Jean de Berry.
Contexte historique : Ces objets relèvent d’un art de cour raffiné, où l’usage de la flore n’est jamais anecdotique. Dans les appartements ducaux, ces tapisseries évoquent souvent des thèmes mariaux, notamment à travers les jardins clos fleuris, symboles de virginité et de méditation.

Article 238 – Tapisserie florale, semée de rinceaux, de roses et de boutons
Dans l’inventaire des tapisseries du roi Charles VI, réalisé après sa mort en 1422, figure une pièce remarquable par son décor végétal : « ung tappis blanc, de gros fil de Paris, semé de rainceaulx, de rozes et boutons, à un escu où il y a fleurs de lys d'argent » (art. 238). Cette description témoigne d’un goût raffiné pour la tapisserie ornementale à motifs floraux codifiés. Le motif de la rose, déjà associé à la Vierge et à la passion dans l’iconographie religieuse, se mêle ici à des rinceaux, arabesques végétales symbolisant le foisonnement et la fertilité. L’écu aux fleurs de lys évoque quant à lui l’appartenance royale et la piété mariale.
Sources
Guiffrey, Jules. Inventaire des tapisseries du roi Charles VI vendues par les Anglais en 1422, dans Bibliothèque de l’École des Chartes, tome XLVIII, 1887, p. 404, art. 238.
Disponible sur Gallica

Coustepeinte de taffetas vermeil – Broderies florales et iconographie mixte (Article 301, Inventaire Charles VI, 1422–1423)
Dans cet article exceptionnel, l'inventaire décrit une courtepointe de taffetas rouge, richement brodée de losanges, de roses blanches, mais aussi de scènes figurées comprenant des animaux, des oiseaux, des personnages à cheval, des châteaux et des églises. Le tout est doublé d’une soie paillée verte et violette. Ce type de pièce, entre textile de prestige et outil de représentation symbolique, mêle les codes floraux marials, narratifs chevaleresques et religieux. La rose blanche, ici, évoque à la fois la pureté et l’allégeance royale, dans un contexte d’usage vraisemblablement liturgique ou solennel.
Annotations historiques :
Rose blanche : symbole marial et dynastique, lié à la pureté, la paix ou l’Immaculée Conception.
Bestiaire et architecture religieuse brodés : évocation de la Jérusalem céleste ou d’une scène allégorique.
Taffetas vermeil et doublure : usage probable dans un contexte de lit de parade, d’office ou de cérémonie.
Technique : broderie, non tapisserie → travail manuel très précieux, réservé aux pièces de cour.
Association couleur/forme : usage symbolique du rouge (Passion, royauté), du vert (espérance) et du violet (deuil ou pénitence).
Source :
Jules Guiffrey, Inventaire des tapisseries du roi Charles VI vendues par les Anglais en 1422,
dans Bibliothèque de l’École des Chartes, t. XLVIII, 1887, p. 107, article 301.

Page de titre des Emblemata d’Alciat – Lyon, G. Roville, 1540 – Traduction espagnole
Cette page frontispice de l’édition espagnole de Los Emblemas de Alciato, imprimée à Lyon en 1540 par
Guillaume Roville, présente une composition architecturée typique des gravures de la Renaissance. Les colonnes ornées de figures nues, mascarons grotesques, éléments floraux suspendus, oiseaux et médaillon central illustrent l'esprit des livres d’emblèmes : un art du langage visuel où texte, image et devise morale dialoguent.
Ces ouvrages étaient autant pédagogiques qu’esthétiques, destinés à une lecture savante et contemplative. Le motif central (l’aigle) et les décors végétaux participent à un lexique iconographique florissant à cette époque, où la fleur devient signe, vertu ou allégorie.
Annotations thématiques :
Emblèmes : association tripartite entre devise (motto), image (pictura) et commentaire explicatif (subscriptio).
Symbolique florale : chaque plante est codifiée (ex. lys = pureté, œillet = fidélité, rose = amour divin ou charnel selon le contexte).
Alciat (André, 1492–1550) : juriste et humaniste italien, auteur du premier recueil d’emblèmes (Emblemata, 1531).
Transmission : très vite traduit en plusieurs langues, ce recueil influence l’art, la littérature et la pensée iconologique pendant deux siècles.
Usage : lu par les lettrés, utilisé par les artistes (vitraux, tapisseries, manuscrits, objets liturgiques) pour enrichir leur répertoire visuel.
Source :
Titre complet : Los Emblemas de Alciato, traducidos en rimas españolas
Imprimeur : Guillaume Rouillé (Guilielmo Rovillio), Lyon, 1540
Notice : Bibliothèque nationale de France, Gallica
Consulter sur Gallica – BnF
BIBLIOGRAPHIE
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Musée du Château d'Angers. (s.d.). Trésor de tapisseries. Nature et jardins de lice XVe.
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Inventaire des tapisseries du roi Charles VI vendues par les Anglais en 1422. (s.d.). Persée.
GLOSSAIRE ALPHABÉTIQUE
A
Allégorie : Représentation d’une idée abstraite par une image ou une figure concrète. Très utilisée dans les tapisseries médiévales.
Ancolie : Fleur dont les pétales évoquent des colombes. Symbole de l’Esprit-Saint et de la Vierge Marie.
Armoiries : Emblèmes héraldiques représentant une famille ou une institution ; les fleurs (notamment le lis) y jouent un rôle symbolique central.
Art médiéval : Ensemble des formes artistiques produites au Moyen Âge incluant enluminures, tapisseries, vitraux.
Azuré : Couleur bleue utilisée en héraldique, souvent associée à la Vierge et au ciel.
B
Bestiaire : Ensemble d’animaux réels ou fantastiques utilisés symboliquement dans les arts médiévaux.
Botanique médiévale : Savoir relatif aux plantes au Moyen Âge, transmis par les herbiers et les textes médicinaux.
C
Cantique des cantiques : Livre biblique fréquemment cité pour justifier l’association entre fleurs et figures religieuses.
Chevalerie : Ordre social et culturel médiéval où les fleurs peuvent représenter les vertus du chevalier.
Corolle : Ensemble des pétales d’une fleur ; élément souvent détaillé dans les représentations médiévales.
D
Devotio Moderna : Mouvement spirituel du bas Moyen Âge, influençant la symbolique florale comme support de méditation.
Dom Robert : Moine et artiste du XXe siècle connu pour ses tapisseries inspirées du style « mille-fleurs ».
Drap d’honneur : Fond décoratif de tapisserie, souvent orné de fleurs stylisées.
E
Enluminure : Illustration colorée dans les manuscrits ; les marges sont souvent peuplées de fleurs symboliques.
Étymologies d’Isidore de Séville : Ouvrage encyclopédique du VIIe siècle mentionnant les propriétés médicinales de nombreuses plantes.
F
Fidélité : Valeur symbolisée par plusieurs fleurs comme l'œillet ou le myosotis.
Fleur de lis : Symbole religieux et royal, associé à la Vierge Marie, à la Trinité et à la monarchie capétienne.
Flore médiévale : Ensemble des plantes connues et représentées à l’époque médiévale.
Foi : Vertu chrétienne représentée par des fleurs, notamment le lis.
G
Gage vassalique : Offrande symbolique d’une fleur (comme la rose) en signe de soumission dans un contrat féodal.
Gower : Seigneurie anglo-normande illustrant l’usage féodal de la rose dans les redevances.
H
Herbier : Recueil de dessins ou de spécimens de plantes, utilisé pour la classification et la médecine.
Héraldisme : Science des armoiries ; les fleurs y jouent un rôle symbolique (lis, rose, etc.).
I
Iconographie : Étude des représentations visuelles et de leurs significations symboliques, notamment florales.
Inventaire : Liste officielle des objets (tapisseries, meubles...) souvent utilisés pour documenter l’usage décoratif des fleurs.
J
Jardin clos : Symbole marial ; souvent représenté dans l’art médiéval avec des fleurs symboliques.
L
Lis (ou Lys) : Fleur au symbolisme multiple (pureté, royauté, Trinité, Vierge).
Licorne : Animal symbolique lié à la pureté ; souvent représentée dans des décors floraux.
M
Mandragore : Plante aux vertus magiques et symboliques puissantes dans les manuscrits médiévaux.
Marges enluminées : Zones périphériques des manuscrits décorées de motifs floraux symboliques.
Martyr : Les fleurs comme la rose sont utilisées pour évoquer le sang versé et la souffrance sacrée.
Myosotis : Fleur signifiant « Ne m’oublie pas », associée à la fidélité et à l’amour éternel.
O
Œillet : Symbole d’amour et de fidélité, présent dans les tableaux médiévaux et renaissants.
P
Pétale : Élément de la fleur, souvent détaillé dans l’iconographie pour sa valeur symbolique.
Physiologos : Ouvrage antique ayant influencé la symbolique animale et florale chrétienne.
Pline l’Ancien : Naturaliste romain ayant transmis des savoirs botaniques utilisés au Moyen Âge.
Pureté : Valeur spirituelle symbolisée par le lis, l’ancolie, la licorne...
R
Rose : Fleur ambivalente symbolisant l’amour, la Vierge, la passion du Christ, le sang du martyr.
Redevance florale : Paiement symbolique en nature (roses, guirlandes) dans les actes féodaux.
S
Sceau : Marque d’autorité où la fleur peut apparaître comme élément identitaire.
Symbolisme floral : Système de correspondances entre fleurs et concepts spirituels, moraux ou politiques.
Suger : Abbé et conseiller des rois capétiens, ayant favorisé l’usage du lis dans la royauté.
T
Tapisserie mille-fleurs : Style de tapisserie décoré d’une profusion de fleurs distinctes, chaque fleur ayant une valeur symbolique.
Trinité : Dogme chrétien souvent représenté par la fleur de lis ou la pensée.
V
Vassalité : Lien féodal parfois illustré par des dons floraux dans les chartes.
Vertus chrétiennes : Foi, Espérance, Charité souvent incarnées par des fleurs.
Vierge Marie : Figure centrale dans la symbolique florale : associée au lis, à l’ancolie, à la rose...
LISTE DES ACTEURS & MINI-BIOGRAPHIES
Aristote (384-322 av. J.-C.)
Philosophe grec de l’Antiquité, il est l’un des premiers penseurs à avoir abordé l’étude des plantes et des animaux. Bien qu’il ait exprimé des doutes sur l’existence de la licorne, ses travaux sur la nature ont influencé les bestiaires médiévaux.
Bernard de Clairvaux (1090-1153)
Moine cistercien, prédicateur de la deuxième croisade et réformateur spirituel. Il a contribué à la diffusion de la symbolique mariale au sein du christianisme, renforçant l’association entre la Vierge Marie et la fleur de lis.
Catherine de Médicis (1519-1589)
Reine de France, épouse d’Henri II, elle apparaît dans les inventaires de mobilier et les décors symboliques de la Renaissance. Son image est souvent associée à des fleurs dans l’iconographie et les arts décoratifs de son temps.
Clovis Ier (vers 466-511)
Roi des Francs mérovingiens, souvent présenté de manière légendaire comme le premier roi à avoir adopté la fleur de lis. Cette idée est cependant une construction médiévale sans fondement historique.
Ctésias de Cnide (Ve siècle av. J.-C.)
Médecin et historien grec qui décrit une créature ressemblant à la licorne dans ses récits. Ses écrits ont contribué aux légendes médiévales autour de cet animal symbolique.
Dom Robert (1907–1997)
Moine bénédictin et artiste français du XXe siècle, célèbre pour ses tapisseries contemporaines dans la tradition des “mille-fleurs”. Il a perpétué une esthétique médiévale naturaliste dans l’art religieux moderne.
Émile Mâle (1862–1954)
Historien de l’art religieux médiéval, auteur de l’ouvrage de référence L’Art religieux du XIIIe siècle en France. Il a largement étudié la symbolique florale dans les vitraux et sculptures gothiques.
Hébert de la Ferrière, Hector de (1828–1900)
Éditeur et historien, il a contribué à la publication des Lettres de Catherine de Médicis, documents précieux pour l’étude de l’art, du mobilier et des symboles dans la cour de France.
Isidore de Séville (vers 560–636)
Évêque érudit espagnol, auteur des Étymologies, une encyclopédie médiévale majeure où il consigne de nombreuses informations sur les plantes et leur symbolique.
Jules Labarte (1797–1880)
Historien de l’art et archiviste, auteur d’un inventaire détaillé du mobilier de Charles V. Son travail éclaire les pratiques symboliques et décoratives de la cour royale au XIVe siècle.
Michel Pastoureau (né en 1947)
Historien français spécialiste des symboles, des couleurs et de l’héraldique. Il a écrit Une fleur pour le roi, étude de référence sur l’histoire de la fleur de lis dans la monarchie française.
Pline l’Ancien (23-79 apr. J.-C.)
Auteur romain de L’Histoire naturelle, encyclopédie monumentale qui traite des vertus médicinales et symboliques des plantes. Son œuvre fut une source d’inspiration majeure pour les lettrés du Moyen Âge.
Platearius (XIIe siècle)
Médecin et auteur du Livre des simples médecines, référence de la médecine médiévale. Il décrit les propriétés médicinales des plantes, notamment le lis.
Saint Bernard de Clairvaux (voir Bernard de Clairvaux)
Son influence théologique a renforcé la figure du roi pieux sous l’emblème du lis.
Suger (vers 1081–1151)
Abbé de Saint-Denis et conseiller de Louis VI et Louis VII. Promoteur de l’art gothique et du rôle sacré de la monarchie, il est l’un des premiers à associer le lis à la royauté dans une démarche politique et spirituelle.
Amélie Rigollet
Historienne médiéviste, auteure de l’article La rose comme gage vassalique dans les Cahiers de civilisation médiévale (2020). Elle analyse les usages féodaux et symboliques de la rose dans les actes seigneuriaux.
CHRONOLOGIE – SYMBOLIQUE DES FLEURS AU MOYEN ÂGE
Antiquité
Ve siècle av. J.-C. : Ctésias décrit un animal unicorne dans ses écrits.
Ier siècle apr. J.-C. : Pline l’Ancien évoque les propriétés médicinales du lis.
IIIe siècle : Le Physiologos, traité d’histoire naturelle chrétienne, contribue à la symbolique animale et végétale.
IVe siècle : Début de l’iconographie chrétienne intégrant des motifs floraux.
VIe siècle : Isidore de Séville compile les Étymologies, abordant les fleurs et leurs significations.
Haut Moyen Âge
VIIIe siècle
Les Bénédictins introduisent en Occident le jardin de roses d’inspiration perse.
Le Capitulaire de Villis (vers 795) de Charlemagne mentionne le lis parmi les plantes cultivées.
IXe siècle
Le lis devient une plante à la fois médicinale et symbolique dans les textes savants.
XIe - XIIe siècles
1081–1151 : Suger, abbé de Saint-Denis, favorise l’art gothique et l’association fleur de lis/royauté.
1090–1153 : Bernard de Clairvaux diffuse l’imaginaire marial et floral.
1120s : Apparition de roses dans les actes vassaliques (redevances en roses).
vers 1180–1223 : Règne de Philippe Auguste, époque où la fleur de lis s’impose dans les armoiries royales.
1211 : Premier témoignage direct d’un lien entre la fleur de lis et la royauté (sceau de Louis VIII).
1215 : Vitrail de la cathédrale de Chartres montrant des fleurs de lis.
XIIe siècle : Le Livre des simples médecines (attribué à Platearius) détaille les vertus du lis.
XIIIe siècle
vers 1250–1300 : Le culte marial s’intensifie ; le lis devient symbole de pureté dans les images de la Vierge.
XIIIe siècle : Apparition de nombreuses fleurs dans les manuscrits enluminés.
Début de la Devotio Moderna : Développement d’une piété personnelle guidée par la symbolique visuelle.
XIVe siècle
Début du XIVe siècle : Début de l’usage iconographique et politique structuré de la fleur de lis par les Capétiens.
Règne de Charles V (1364–1380) : Mobilier royal et tapisseries riches en motifs floraux.
1372 : Les armoiries royales passent du semé de lis à trois lis stylisés.
1390s : Les "mille-fleurs" se développent dans les tapisseries de cour.
XVe siècle
vers 1400–1422 : Inventaire des tapisseries de Charles VI vendu par les Anglais après Azincourt.
vers 1470–1500 : Production de tapisseries “mille-fleurs” en Flandres et en France.
Fin XVe siècle : La flore est omniprésente dans l’iconographie de la Dame à la Licorne.
XVIe siècle
Début Renaissance : L’œillet devient symbole d’amour et de mariage dans les portraits de la noblesse.
Règne de Catherine de Médicis (1547–1589) : Mobilier et décors intègrent des éléments floraux symboliques.
XIXe - XXe siècles (Références érudites)
1879 : Publication de l’inventaire du mobilier de Charles V par Jules Labarte.
1898 : Parution de L’art religieux du XIIIe siècle par Émile Mâle.
1997 : Michel Pastoureau publie Une fleur pour le roi.
CHIFFRES CLÉS DU DOSSIER : SYMBOLIQUE DES FLEURS AU MOYEN ÂGE
40 espèces florales identifiables dans les tapisseries "mille-fleurs" de la fin du Moyen Âge (musée-moyenage.fr).
5 pétales pour la pensée, associée aux 5 plaies du Christ (manuscripta.hypotheses.org).
3 fleurs de lis remplacent à partir de 1372 le semé dans les armoiries royales françaises (histoire-pour-tous.fr).
1211 : sceau du futur Louis VIII comportant une fleur de lis, considéré comme la première preuve matérielle du lien entre royauté et ce symbole (histoire-pour-tous.fr).
1215 : vitrail de la cathédrale de Chartres représentant des fleurs de lis (histoire-pour-tous.fr).
1180–1223 : règne de Philippe Auguste, sous lequel le lis devient emblème royal (histoire-pour-tous.fr).
63 : numéro de feuillet d’un manuscrit enluminé de la BnF mentionnant la symbolique de l’ancolie et de la pensée (manuscripta.hypotheses.org).
4 : nombre de chartes étudiées dans l’article d’Amélie Rigollet sur les redevances symboliques en roses chez les Briouze (journals.openedition.org).
12e siècle : apparition des redevances symboliques sous forme de roses, en contexte féodal (journals.openedition.org).
XIIIe siècle : intensification du culte marial – usage accru du lis dans les représentations religieuses.
15e et 16e siècles : apogée des tapisseries aux "mille-fleurs", décorées d’une multitude de plantes et fleurs (lejourduseigneur.com).
1997 : publication de l’étude Une fleur pour le roi de Michel Pastoureau sur l’histoire de la fleur de lis (initiale.irht.cnrs.fr).