La guerre de Cent Ans : ses grandes étapes et son impact sur le territoire
- Ivy Cousin
- il y a 20 heures
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Introduction
La guerre de Cent Ans (1337-1453) demeure l’un des conflits les plus marquants de l’histoire médiévale européenne. S’étendant sur plus d’un siècle, elle ne peut se réduire à une succession de batailles : elle incarne une lutte d’héritages et d’idéologies, où se joue non seulement la souveraineté sur la couronne de France, mais aussi la définition même du pouvoir royal et de l’État.
Née d’une querelle dynastique à la suite de l’extinction des Capétiens directs, la guerre s’est progressivement élargie en une confrontation totale entre la France et l’Angleterre. Les armes, bien sûr, y tinrent une place essentielle, mais ce conflit bouleversa également l’économie, les structures sociales et le paysage politique. Les campagnes ravagées, les villes fortifiées, les impôts permanents, les figures héroïques comme Jeanne d’Arc ou Charles V : autant de facettes d’une guerre qui, tout en semant la mort, a contribué paradoxalement à faire émerger une conscience nationale en France.
Ce cahier hybride propose un voyage structuré à travers les grandes étapes de cette histoire. Les lignes qui suivent en reprennent les jalons principaux pour donner envie de plonger dans l’intégralité du dossier, où chaque point est développé avec rigueur et illustré par des documents patrimoniaux.
Chapitre I - Les origines du conflit : rivalités et héritages
L’étincelle de la guerre éclate en 1337, mais ses racines plongent dans les dynamiques politiques du début du XIVᵉ siècle. À la mort de Charles IV le Bel en 1328, la lignée directe des Capétiens s’éteint. Deux prétendants se disputent alors la succession : Édouard III d’Angleterre, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère Isabelle, et Philippe de Valois, cousin du roi défunt. Les juristes français invoquent la loi salique, qui interdit la transmission de la couronne par les femmes, pour écarter la candidature anglaise et faire élire Philippe VI.
Ce choix, perçu comme une offense de l’autre côté de la Manche, nourrit le ressentiment d’Édouard III, déjà puissant souverain grâce à la richesse de l’Angleterre et au commerce de la laine. La situation est d’autant plus explosive que le roi d’Angleterre est vassal du roi de France pour le duché d’Aquitaine, vaste territoire dont la richesse viticole représente un enjeu majeur. La rivalité franco-anglaise s’enflamme également autour du contrôle de la Flandre, centre névralgique du textile européen, et des prétentions croisées sur la Bretagne. Ainsi, la guerre de Cent Ans naît d’un entrelacs de dynastie, de féodalité et d’ambitions économiques, où chaque serment, chaque trahison, chaque alliance façonne le destin des deux royaumes.
Chapitre II - Les grandes phases militaires (1337-1453)
Le conflit, loin d’être continu, s’articule en plusieurs séquences. La première période (1337-1360) est marquée par la supériorité militaire des Anglais, en particulier grâce à l’efficacité de leurs archers armés de longbows. La bataille de Crécy en 1346 incarne ce tournant : les chevaliers français, attachés aux charges de cavalerie, se heurtent à une pluie de flèches qui décime leurs rangs. Dix ans plus tard, la catastrophe de Poitiers (1356) voit la capture du roi Jean II le Bon, contraint à accepter le traité de Brétigny (1360), lequel accorde de vastes territoires du sud-ouest de la France à l’Angleterre.
Cependant, sous le règne de Charles V (1364-1380), surnommé « le Sage », la monarchie française redresse la situation. S’appuyant sur l’habileté militaire de Bertrand du Guesclin, connétable de France, le royaume parvient à reconquérir une grande partie du territoire perdu. La guerre reprend ensuite au début du XVe siècle : en 1415, la bataille d’Azincourt se solde par une terrible défaite pour la chevalerie française face aux archers anglais. Cette victoire anglaise mène au traité de Troyes (1420), qui reconnaît Henri V d’Angleterre comme héritier du trône de France.
Pourtant, la situation se renverse à nouveau avec l’épopée de Jeanne d’Arc. En 1429, la jeune paysanne de Domrémy galvanise les troupes françaises et libère Orléans, permettant le sacre de Charles VII à Reims. Cet épisode marque un tournant décisif : la reconquête française s’amorce et culmine avec la bataille de Castillon en 1453, où les Anglais subissent une défaite décisive. Cette victoire clôt un siècle de guerre et met fin à la domination anglaise en Guyenne.
Chapitre III - Vivre sous la guerre : impact territorial et social
Si les grandes batailles marquent les mémoires, l’essentiel du conflit se déroule loin des champs de gloire, dans les campagnes et les villes, sous forme de chevauchées, de pillages et d’occupations prolongées. Ces incursions, menées par les armées mais aussi par des compagnies de mercenaires, dévastent les campagnes françaises. Villages incendiés, récoltes détruites, champs laissés en friche et famines récurrentes dessinent un paysage d’abandon.
Les populations paysannes, premières victimes, subissent non seulement la guerre mais aussi les crises de subsistance liées aux mauvaises récoltes et aux épidémies. La grande peste de 1347-1352 achève de bouleverser l’équilibre démographique : près d’un tiers de la population est emportée, aggravant les difficultés de production et renforçant la vulnérabilité sociale. Ces épreuves provoquent des révoltes, comme la Jacquerie de 1358 en Île-de-France, expression violente du désespoir paysan face aux impôts et aux exactions des soldats.
Les villes, quant à elles, deviennent des refuges. On renforce les enceintes, on érige des tours et des portes fortifiées. De nouvelles cités, les bastides, voient le jour dans le Sud-Ouest, offrant un cadre de sécurité et un espace d’échanges commerciaux. Ces mutations façonnent durablement le territoire, en fixant des réseaux urbains qui subsisteront bien après la fin du conflit.
Enfin, la guerre entraîne une transformation structurelle : l’instauration d’impôts permanents, tels que la taille et la gabelle, destinés à financer les armées et les fortifications. Ce poids fiscal nourrit des tensions, mais il permet aussi à la monarchie de renforcer son autorité et de poser les bases d’un État centralisé.
Chapitre IV - Figures, héros et mémoires de la guerre
L’un des traits les plus marquants de la guerre de Cent Ans est la manière dont elle a façonné une véritable galerie de figures héroïques et mémorielles, des rois aux capitaines en passant par des personnages inattendus comme Jeanne d’Arc. Ces hommes et ces femmes, par leurs actes, leurs discours ou parfois leur seule destinée tragique, ont incarné les espoirs et les tensions de leur temps. À travers eux, c’est tout un imaginaire de la guerre, de la fidélité et du pouvoir qui se cristallise, donnant au conflit une résonance qui dépasse largement le cadre militaire pour s’enraciner durablement dans la mémoire collective des deux rives de la Manche.
Jeanne d’Arc : le visage d’un royaume en péril
Aucune figure n’est plus indissociable de la guerre de Cent Ans que celle de Jeanne d’Arc. Née vers 1412 dans le village de Domrémy, cette jeune fille de condition modeste affirme avoir reçu des visions et des voix célestes lui enjoignant de sauver la France et de conduire le dauphin Charles au sacre. En 1429, à peine âgée de dix-sept ans, elle se rend à Chinon et parvient à convaincre le futur Charles VII de lui confier une armée.
Son épopée, fulgurante, culmine lors de la levée du siège d’Orléans au mois de mai 1429. Cette victoire, la première depuis longtemps face aux Anglais, a une portée psychologique considérable : elle brise l’aura d’invincibilité des archers anglais et redonne confiance à une population épuisée par des décennies de défaites et de misère. Quelques semaines plus tard, Jeanne accompagne Charles VII à Reims pour son sacre, conférant une légitimité nouvelle à la dynastie capétienne.
La fin tragique de Jeanne, brûlée vive à Rouen en 1431 après un procès inique orchestré par l’évêque Cauchon et les Anglais, ajoute une dimension martyrologique à sa figure. Elle devient le symbole d’un royaume trahi par ses élites mais sauvé par la ferveur et la foi d’une simple bergère. Sa mémoire, réactivée au XIXᵉ siècle, en fera l’« héroïne nationale » par excellence, incarnation à la fois de la résistance à l’envahisseur et de la sainteté.
Charles V, le roi sage et restaurateur
Si Jeanne d’Arc incarne le sursaut, Charles V (1338-1380) représente la patience, la prudence et la réorganisation. Monté sur le trône en 1364, il hérite d’un royaume meurtri par les désastres de Crécy et de Poitiers. Contrairement à son père, Jean II le Bon, Charles comprend que les charges frontales de cavalerie sont vouées à l’échec face aux archers anglais. Il confie donc la conduite militaire à des capitaines expérimentés, au premier rang desquels Bertrand du Guesclin, « le Dogue noir de Brocéliande ».
Par une stratégie d’attrition, mêlant guérilla, sièges méthodiques et harcèlement, Charles et ses capitaines parviennent à reconquérir une grande partie de l’Aquitaine et à réduire la présence anglaise en France. Parallèlement, le roi réorganise les finances du royaume, crée une fiscalité régulière (la taille permanente en 1360), renforce l’administration et développe une véritable politique culturelle, protégeant les arts et les lettres. Son règne contribue ainsi à redonner une assise institutionnelle à la monarchie française. C’est pourquoi l’historiographie le surnomme « le Sage », en contraste avec les excès chevaleresques de ses prédécesseurs.
Charles VII, du « roi de Bourges » au restaurateur du royaume
Charles VII (1403-1461) connaît un destin paradoxal. Héritier contesté, déshérité par le traité de Troyes qui reconnaissait Henri V comme successeur légitime, il demeure longtemps reclus à Bourges, dans une position de faiblesse. Surnommé avec mépris le « roi de Bourges », il semble incapable de redresser la situation. C’est la rencontre avec Jeanne d’Arc qui change la donne : sous son impulsion, il reprend confiance, se fait sacrer à Reims en 1429 et amorce la reconquête.
Après la mort de Jeanne, Charles poursuit la lutte en s’appuyant sur de nouveaux conseillers et capitaines. Il réorganise l’armée, développe l’artillerie, et pose les bases d’une armée permanente avec les compagnies d’ordonnance. Ces réformes militaires, associées à des alliances diplomatiques judicieuses, permettent la victoire de Castillon en 1453, qui scelle la fin de la guerre et assure à la France une unité retrouvée.
Les adversaires anglais : entre gloire et désillusion
Face aux rois de France, l’Angleterre aligne également des figures marquantes. Édouard III, initiateur du conflit, s’appuie sur une noblesse guerrière et sur les archers gallois, dont l’efficacité surprend à Crécy. Son fils, Édouard de Woodstock, dit le Prince Noir, incarne l’idéal chevaleresque anglais. Vainqueur à Poitiers en 1356, il acquiert une réputation de stratège audacieux et de chevalier flamboyant, mais son image reste contrastée : admiré pour sa bravoure, il est aussi associé aux violences commises lors des chevauchées en France.
Henri V d’Angleterre, pour sa part, marque durablement la mémoire du conflit. Son triomphe à Azincourt en 1415, contre une armée française numériquement supérieure mais mal commandée, le propulse au rang de héros national. La pièce de Shakespeare, plusieurs décennies plus tard, contribuera à transformer ce roi en figure mythique de la gloire anglaise. Mais sa mort prématurée en 1422, à l’âge de trente-cinq ans, laisse inachevée l’entreprise de conquête et ouvre la voie à la reconquête française.
Chapitre V — La guerre de Cent Ans et la naissance du sentiment national
Le long affrontement franco-anglais ne se limite pas aux champs de bataille. Il contribue à l’émergence d’un sentiment national inédit. Confrontés à l’occupation étrangère et à la menace de disparition du royaume, les Français forgent une conscience commune. Les sacres de Reims, en particulier celui de Charles VII en 1429, prennent une dimension symbolique : ils affirment la légitimité d’une monarchie française indépendante, distincte de l’Angleterre.
La guerre de Cent Ans ne s’éteint pas avec la bataille de Castillon. Elle continue de vivre dans les chroniques, les chansons de geste tardives, les poèmes de Christine de Pizan ou encore dans les récits anglais glorifiant leurs victoires. Elle devient une matière première pour la construction d’identités nationales. En France, la figure de Jeanne d’Arc est progressivement élevée au rang d’icône sacrée, patronne et protectrice du royaume, avant d’être canonisée en 1920. En Angleterre, la mémoire d’Azincourt nourrit un imaginaire héroïque célébrant l’endurance et la discipline des archers.
Cette mémoire, souvent antagoniste, façonne la manière dont Français et Anglais se perçoivent réciproquement. Elle entretient des représentations durables : l’Anglais rusé et cruel, le Français noble mais désuni, ou encore le roi charismatique porté par son peuple. Le cahier propose de revisiter ces images, en montrant combien elles relèvent à la fois de l’histoire et du mythe, et combien elles continuent d’habiter notre mémoire collective
Ainsi, au terme du conflit, la France sort certes exsangue, mais plus unie. La guerre de Cent Ans, en imposant la construction d’un État centralisé, en façonnant une identité commune et en redessinant les territoires, apparaît comme un laboratoire de la modernité politique. Elle annonce les évolutions profondes qui marqueront l’Europe de la fin du Moyen Âge.
Conclusion
Relire la guerre de Cent Ans, c’est accepter de se confronter à une histoire faite de paradoxes. Ce conflit, long de plus d’un siècle, a dévasté les campagnes, vidé des villes entières, provoqué famines et épidémies, tout en précipitant la fin d’un ordre féodal vacillant. Mais c’est aussi au cœur de cette tourmente que se sont dessinés les traits de la monarchie française moderne : une autorité royale consolidée, une fiscalité permanente, une administration centralisée, et une armée structurée.
L’épreuve a également produit des figures qui continuent d’habiter notre imaginaire. Jeanne d’Arc, héroïne martyre, a donné chair à l’idée d’une France unie et protégée par une mission sacrée. Charles V et Charles VII ont incarné deux moments décisifs de la reconstruction et de l’affirmation du pouvoir royal. Le Prince Noir et Henri V, du côté anglais, sont restés dans la mémoire britannique comme des modèles de bravoure et de gloire militaire. Ces destins croisés montrent que la guerre de Cent Ans fut un moment fondateur, où s’élabora lentement le sentiment national et où se redessina la carte politique de l’Europe.
Ce fascicule ne se limite pas à retracer des événements militaires : il invite à comprendre comment une guerre, malgré sa brutalité, a pu accoucher d’un monde nouveau. C’est un récit d’effondrement et de renaissance, qui met en lumière les liens entre mémoire, territoire et construction politique.
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